« Le président de la République a nommé M. François Bayrou Premier ministre, et l’a chargé de former un gouvernement », selon un communiqué de l’Élysée. François Bayrou aura la lourde tâche de former un gouvernement susceptible de survivre à la menace de censure d’une Assemblée nationale sans bloc majoritaire et de faire adopter un budget dont la France est pour l’instant privée pour 2025.
Le dirigeant centriste a finalement été préféré à d’autres noms qui ont circulé jusqu’au bout, comme celui de l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, des ministres de l’aile droite de la macronie Sébastien Lecornu ou Catherine Vautrin. Jeudi, c’est le profil de l’ex-ministre de l’Industrie Roland Lescure, un macroniste social-libéral, qui a été poussé par le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, selon plusieurs sources proches des consultations. Mais la droite et le RN sont montés au créneau pour lui faire barrage.
« Tout le monde mesure la difficulté de la tâche », a déclaré François Bayrou à la presse, en sortant de ses bureaux du Haut-commissariat au Plan. « Tout le monde se dit qu’il y a un chemin à trouver qui réunisse les gens au lieu de les diviser. Je pense que la réconciliation est nécessaire », a-t-il ajouté, citant notamment la figure d’Henri IV, roi de France au sujet duquel il a « beaucoup écrit ».
L’un des premiers alliés d’Emmanuel Macron
François Bayrou a été l’un des premiers alliés de poids d’Emmanuel Macron, lorsque celui qui était encore ministre de l’Économie de François Hollande s’est lancé dans la course à la présidence, en 2017. L’ascension du maire de Pau intervient après des décennies de vie politique à des postes de premier plan, mais également marquée par des échecs : jusqu’à s’éclipser en faveur d’Emmanuel Macron en 2017, François Bayrou avait été candidat à toutes les élections présidentielles depuis 2002. Cela sans jamais atteindre le second tour.
Une fois dans la majorité présidentielle macroniste, le camp centriste du MoDem avait mené bataille à de nombreuses reprises pour une nomination de leur chef de file à Matignon… sans succès jusqu’ici.
Les Insoumis annoncent une censure
François Bayrou devra désormais composer avec des forces très disparates. S’il est issu de la droite modérée, le camp des Républicains ne lui est nullement acquis : l’ex-président Nicolas Sarkozy ne lui a jamais pardonné son appel à voter François Hollande au second tour de la présidentielle de 2012. Pour la députée Ensemble pour la République, Constance Le Grip, « il était temps que le président de la République annonce le choix du nouveau Premier ministre ». « Maintenant, c’est au Premier ministre de faire preuve de méthode, de capacité à rassembler, à écouter, à dialoguer de manière fructueuse. C’est au Premier ministre de jouer », a-t-elle déclaré au micro de RFI.
Les forces de gauche se divisent. De leur côté, les Insoumis ont déjà annoncé qu’ils voteront la censure du nouveau Premier ministre, conformément à ce qu’avait promis LFI en cas de nomination d’un Premier ministre non-issu du Nouveau Front populaire. « Deux choix s’offriront aux députés : le soutien au sauvetage de Macron ou la censure. Nous avons fait le nôtre », a écrit la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot sur X.
« Nous déposerons une motion de censure », a ajouté le coordinateur du mouvement Manuel Bompard, en dénonçant un « bras d’honneur à la démocratie ».
La patronne des écologistes Marine Tondelier a estimé sur BFMTV que ses députés n’auront « d’autre choix » que de censurer le gouvernement de François Bayrou s’il ne change pas de politique économique et s’il garde « Bruno Retailleau à l’Intérieur ». De son côté, le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel n’a pas menacé de censure François Bayrou mais a réclamé sur X « un changement de cap politique, le respect du Parlement et pas de 49-3 ». Les socialistes, quant à eux, « ne participeront pas » au gouvernement.
Pour le RN, « il n’y aura pas de censure a priori »
Le parti d’extrême droite Rassemblement national a lui annoncé qu’« il n’y aura pas de censure a priori ». « Notre censure a priori aurait été engagée à l’encontre d’une personnalité issue de la gauche et issue de l’extrême gauche. Nous avions indiqué que nous étions prêts à ne pas censurer a priori une personnalité ou un profil qui serait issu de la droite et du centre », a déclaré devant la presse le président du Rassemblement national Jordan Bardella, quelques minutes après la nomination. « Un prolongement du macronisme » avec François Bayrou « ne pourrait mener qu’à l’impasse » a déclaré Marine Le Pen, en réaction à cette nomination.
Une épée de Damoclès pèse toujours sur la tête de François Bayrou : l’affaire des assistants parlementaires européens du MoDem, pour laquelle le nouveau Premier ministre devra être jugé une nouvelle fois. Le parquet a fait appel de la relaxe prononcée à son égard en février. La date du procès en appel n’a pas encore été fixée. Mais si François Bayrou était toujours à Matignon au moment de sa tenue, cela serait une première pour un Premier ministre en exercice.
Une nomination tardive
Emmanuel Macron avait promis, mardi 10 décembre dans l’après-midi, un chef de gouvernement « dans les 48 heures ». Un serment fait aux dirigeants des partis politiques, réunis à l’Élysée en quête de compromis, en l’absence de l’extrême droite et de la gauche radicale.
Le président français n’aura finalement pas tenu le délai promis. À peine l’avion présidentiel posé près de Paris, de retour d’une visite écourtée en Pologne, l’Élysée a annoncé que la nomination n’interviendrait pas jeudi soir, mais le lendemain matin. « Il conclut ses consultations », a dit à l’AFP son entourage, sans plus d’explications. Cette décision est signe de la difficulté à trouver une personnalité susceptible de se maintenir plus longtemps que l’éphémère Michel Barnier, et de faire adopter un budget, dans un paysage politique fracturé.
À la surprise générale, le chef de l’État avait dissous l’Assemblée nationale en juin, après la déroute de son camp aux élections européennes face à l’extrême droite. Les législatives anticipées ont abouti à une Assemblée fragmentée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), sans majorité absolue.
Issu de la droite, l’ex-Premier ministre et ancien commissaire européen Michel Barnier, en fonction depuis seulement trois mois, avait été contraint le 5 décembre de démissionner, après un vote de censure historique à l’Assemblée nationale.
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