Les rebelles syriens nomment un chef de gouvernement transitoire, Mohammad al-Bachir, a annoncé le mouvement rebelle HTS à l’Agence France-Presse. Il conduira la transition jusqu’au 1er mars 2025.
Mohammad al-Bachir a annoncé, ce mardi 10 décembre dans une déclaration télévisée, avoir été nommé Premier ministre d’un gouvernement de transition en Syrie, chargé d’expédier les affaires courantes jusqu’au 1er mars 2025.
Mohammed al Bachir, 41 ans, était jusqu’à présent à la tête du gouvernement de salut national d’Idleb, rappelle notre envoyée spéciale, Murielle Paradon. Cette province, d’où viennent les rebelles islamistes, administrée en sous-main par HTS, Hayat Tahrir al-Cham qui en avait pris le contrôle en 2017. Une administration autonome à la fois civile et militaire, qui pourrait servir de laboratoire à tous la Syrie toute entière.
Mohammad al-Bachir, « un technocrate islamiste », selon Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes
C’est un islamiste, mais pas un jihadiste, souligne Wassim Nasr, au micro de Pierre Olivier, du service international de RFI. Il appartient à l’islam politique. Mohammad al-Bachir « a été nommé ministre dans le gouvernement du Salut, ministre du Développement et des affaires humanitaires. Pourquoi affaires humanitaires ? Parce que c’est lui qui gérait tous les rapports avec les ONG, avec les Nations unies », notamment par rapport aux camps de déplacés. « C’est lui qui avait ce ce dossier et toute l’aide qui arrivait à Idlib pour les déplacés… Donc c’est un technocrate, un technocrate islamiste, mais qui n’est pas dans la mouvance dans laquelle était Abou Mohammed al-Joulani et certains de ces de ces aides de camp ».
Il était pressenti depuis plusieurs jours pour prendre les rênes du gouvernement et avait participé lundi soir, dans un grand hôtel de Damas, à une réunion entre le leader du HTS et principal leader de la rébellion, Abou Mohammed al-Joulani, avec l’ex-Premier ministre de Bachar el-Assad, Mohamed al-Jalali.
Un peu plus tôt, le Qatar avait annoncé être en contact avec le HTS. « Les Qatariens ont établi le premier canal de communication avec le HTS. Les contacts entre le HTS et les diplomates qatariens devraient se poursuivre dans les prochaines 24 heures avec al-Bachir », a affirmé un responsable sous couvert d’anonymat, en parlant de Mohammad al-Bachir, pressenti pour diriger le gouvernement de transition. Le pays du Golfe, qui avait soutenu en 2011 le soulèvement contre le gouvernement syrien qui a tourné à la guerre civile, est resté critique de Damas et n’a pas renoué avec lui comme l’ont fait plusieurs pays arabes en 2023, précise l’Agence France-Presse.
Le Qatar avait accueilli samedi des réunions entre des responsables russe, iranien, turc et arabes sur la Syrie, avant la chute de M. Assad dimanche. Lors cette réunion, « toutes les parties sont parvenues à un consensus […] que la priorité était de maîtriser la situation en Syrie et de veiller à ce que les groupes extrémistes tels que l’État islamique ne puissent pas s’implanter » dans le pays, selon le responsable proche des discussions.
Le groupe HTS a jusqu’à présent envoyé des « messages positifs » aux Syriens, selon l’ONU
De tous les groupes armés, c’est bien le groupe islamiste HTS qui domine clairement la rébellion, rapporte notre correspondant à Genève, Jérémy Lanche. Un cas de conscience pour la communauté internationale, puisque HTS est l’ancienne émanation d’al-Qaïda en Syrie. Comme tout le monde, l’ONU reste prudente, mais ne s’interdit pas non plus l’optimisme.
Cela faisait très longtemps que l’on n’avait pas vu Geir Pedersen se présenter devant la presse. Il faut dire que l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie n’avait pas grand-chose à annoncer depuis sa nomination fin 2018. Le régime Assad a toujours ignoré sa mission : à savoir, conduire un processus de transition politique pacifique en Syrie. Des contacts ont déjà été pris avec le groupe HTS : « Comme vous le savez, la résolution 2254 du Conseil de sécurité considère HTS comme une organisation terroriste. Mais nous devons regarder les faits. Et les faits, c’est que HTS – et les autres groupes armés – ont envoyé des messages positifs aux Syriens. Et très sincèrement, nous l’avons aussi constaté sur le terrain. »
L’envoyé spécial de l’ONU a aussi affirmé que Abou Mohammed al-Joulani, à la tête de HTS, avait mentionné lui-même dans une interview à CNN qu’« ils discutent de la possibilité de démanteler HTS ».
« Possibilité de voir une nouvelle Syrie »
Un regard optimiste, mais prudent donc sur l’évolution de l’ancienne branche d’al-Qaïda. Mais le vrai test reste à venir : « Si la transition est vraiment inclusive et intègre toutes les communautés, alors il y a une vraie possibilité de voir une nouvelle Syrie. Et dans ce cas, je pense que la communauté internationale pourra réévaluer si HTS est une organisation terroriste ou pas. […] Nous devons voir ce qu’ils disent être mis en œuvre sur le terrain et le test le plus important sera la manière dont les accords de transition à Damas seront organisés et mis en œuvre. Si nous unissons les différentes parties et communautés syriennes, cela pourrait être le véritable début de quelque chose de nouveau pour la Syrie », avec le soutien de la communauté internationale, et « nous pourrions alors commencer à envisager la levée des sanctions », a assuré Geir Pedersen.