L’Ukraine a juré mardi 19 novembre, millième jour de l’invasion russe, de ne « jamais » se soumettre à la Russie, qui a, elle, agité de nouveau le spectre du recours à l’arme nucléaire et promis de remporter cette guerre. Kiev a également frappé la région frontalière russe de Briansk avec des missiles américains de longue portée ATACMS, c’est ce qu’a confirmé un haut responsable ukrainien après une annonce de Moscou en ce sens.
Ce millième jour symbolique intervient à un moment vital pour Kiev : son armée recule sur le champ de bataille, l’incertitude pèse sur la pérennité du soutien américain avec le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis en janvier, tandis que Moscou est en position de force.
L’administration américaine sortante de Joe Biden a donné un coup de pouce aux Ukrainiens lundi 18 novembre en les autorisant enfin, après un an de tergiversations, à frapper le sol russe avec des missiles à longue portée américains, une ligne rouge pour Moscou.
Leur utilisation ne s’est pas fait attendre. Dès le lendemain de l’autorisation, Kiev a frappé la région frontalière russe de Briansk avec des missiles américains de longue portée ATACMS, a confirmé à l’AFP un haut responsable ukrainien après une annonce de Moscou en ce sens. « L’attaque contre la région de Briansk a été menée avec des missiles ATACMS », a déclaré ce responsable s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Interrogé à ce sujet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a ni démenti ni confirmé, se bornant à dire que son pays avait des ATACMS à sa disposition et allait « les utiliser ».
Poutine agite la menace nucléaire
Le président Vladimir Poutine a répondu mardi, signant le décret officialisant sa nouvelle doctrine nucléaire qui élargit la possibilité du recours à l’arme atomique en cas d’assaut aérien « massif » mené par un pays non nucléaire, mais soutenu par une puissance nucléaire. Des références claires à l’Ukraine et aux États-Unis.
« Il était nécessaire d’adapter nos fondements (de la doctrine nucléaire) à la situation actuelle », a froidement relevé Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, promettant également la victoire de Moscou en Ukraine. « L’opération militaire se poursuivra (jusqu’à la réalisation) des objectifs fixés », a-t-il dit.
La Russie a toujours considéré les armes nucléaires comme un moyen de dissuasion, dont l’utilisation est une mesure coercitive extrême. La Russie a toujours adopté une position responsable et a fait les efforts nécessaires pour réduire la menace nucléaire et empêcher l’aggravation des relations inter-étatiques. Un élément important est que la dissuasion nucléaire vise à faire comprendre à un adversaire potentiel qu’il est inévitable de prendre des mesures de représailles en cas d’agression contre la Fédération de Russie et ses alliés. Ce document est extrêmement important.
Cette nouvelle doctrine nucléaire était annoncée, mais son adoption est intervenue au surlendemain de l’autorisation d’usage des missiles à longue portée américains. Moscou a aussi promis une réponse « appropriée » à de tels tirs.
« Si des missiles de longue portée sont utilisés depuis l’Ukraine vers le territoire russe, cela signifie qu’ils sont opérés par des experts militaires américains. Nous considérerons cela comme une nouvelle phase de la guerre occidentale contre la Russie et nous réagirons en conséquence », a pour sa part déclaré Sergueï Lavrov devant la presse à Rio de Janeiro, après le G20.
Le chef de la diplomatie russe a estimé que l’utilisation d’ATACMS pour frapper le sol russe était « un signal » selon lequel l’Ukraine et les Occidentaux « veulent l’escalade », promettant une réponse « appropriée » à cette attaque. « Il est impossible d’utiliser ces missiles de haute technologie sans les Américains », a-t-il martelé.
Après près de trois années d’un conflit qui a fait des dizaines, voire des centaines de milliers de morts au total, de son côté, Kiev ne compte pas céder. « L’Ukraine ne se soumettra jamais aux occupants », a souligné la diplomatie ukrainienne dans un communiqué, jugeant que la sécurité internationale passe par « le rétablissement de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine ».
Poutine ne « s’arrêtera pas lui-même »
« Poutine se concentre sur la victoire. Il ne s’arrêtera pas de lui-même. Plus il dispose de temps, plus les conditions se détériorent », a insisté Volodymyr Zelensky dans un discours vidéo retransmis au Parlement européen et longuement ovationné par les eurodéputés. C’est le « meilleur moment » pour « pousser plus fort » contre la Russie, a estimé le chef de l’État ukrainien. « Poutine reste plus petit que les États unis d’Europe. Je vous exhorte à ne pas l’oublier et à ne pas oublier tout ce que l’Europe est capable de faire », a-t-il poursuivi.
Selon lui, la Russie n’aura pas de « réelle motivation pour engager des négociations significatives sans incendie dans ses dépôts de munitions sur le territoire russe […], sans destruction des bases aériennes russes, sans perte de ses capacités de production de missiles et de drones et sans que ses avoirs soient confisqués ». Au passage, Volodymyr Zelensky a égratigné « certains dirigeants européens qui pensent aux élections » nationales plutôt qu’à l’Ukraine.
Alors que Vladimir Poutine agite le spectre nucléaire, le président ukrainien s’est indirectement adressé à la Hongrie et la Slovaquie, deux pays très dépendants du pétrole russe, qui ne participent pas à l’embargo pétrolier européen : « Il faut répondre à chaque coup, à chaque menace de la part de la Russie par des sanctions. Le pétrole est le carburant du régime de Poutine, tant que les pétroliers continuent d’opérer, Poutine continue de tuer : des sanctions plus fortes sont essentielles. »
Une guerre qui s’internationalise
Kiev rappelle que Moscou a profité de cette guerre pour bâtir une alliance militaire avec la Corée du Nord et l’Iran, « une menace mondiale qui déstabilise l’Europe, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient ». La Corée du Nord, selon Kiev et l’Occident, fournit à la Russie des missiles, des munitions et désormais aussi au moins 10 000 soldats. L’Iran est accusé de livrer des drones d’attaque et des missiles balistiques.
L’armée russe a encore revendiqué mardi la conquête d’un village, près de Kourakhové, l’un des secteurs de l’est où elle avance le plus. Elle est aussi aux portes des villes de Pokrovsk (est) et Koupiansk (nord-est). En outre, une frappe russe a tué dans la nuit de lundi à mardi dix personnes, dont un enfant, dans la région de Soumy (nord-est), selon un dernier bilan. La veille, dix personnes avaient été tuées par un missile à Odessa (sud).
Parallèlement, le retour en janvier à la Maison Blanche de Donald Trump laisse craindre à l’Ukraine et aux Européens que celui-ci force Kiev à des concessions, offrant une victoire militaire et géopolitique à Vladimir Poutine.