Sénégal : Les principales forces politiques des élections législatives anticipées

Afrique

Le Sénégal se prépare à renouveler les 165 députés de son Assemblée nationale le 17 novembre prochain. Ces élections législatives anticipées ont été convoquées par le président Bassirou Diomaye Faye qui espère ainsi obtenir une majorité à son parti, le Pastef, pour gouverner et réaliser les promesses de rupture pour lesquelles il a été élu, dès le premier tour, à 54% des voix, le 22 mars dernier. Au total, 41 listes de candidats seront en compétition. Retour sur les principales forces politiques qui s’opposent dans ce scrutin.

  • Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef)

Au pouvoir depuis avril, ce parti de gauche, qui se qualifie de panafricain et souverainiste, a besoin de décrocher la majorité au Parlement pour avoir les coudées franches pour gouverner et appliquer son programme de rupture qui passe par l’adoption d’une série de lois et, notamment, des lois constitutionnelles pour lesquelles il faut une majorité qualifiée des 3/5e.

La bonne gouvernance dans la gestion des biens publics, la reddition des comptes et la réduction du train de vie de l’État sont leurs principaux thèmes de campagne. Dans les différents départements où il est allé, le Premier ministre Ousmane Sonko, qui est la tête de liste du Pastef, a aussi dressé le programme détaillé prévu, par région, sur la base du nouveau référentiel des politiques publiques à horizon 2050, intitulé « Sénégal 2050 ». Une stratégie qui permet au Premier ministre et candidat « d’avoir des propositions concrètes sur les projets d’infrastructures, d’économie, d’éducation, de création d’emplois dans ces différentes zones », analyse Babacar Ndiaye, directeur de recherche au think tank Wathi.

Si Babacar Ndiaye estime « qu’il y a de fortes chances que le Pastef obtienne la majorité absolue sept mois après avoir été élu », ces élections législatives représentent néanmoins un premier test électoral pour le Pastef. Le professeur de sociologie politique à l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, Alassane Ndao le résume ainsi : « Le Pastef sera-t-il aussi fort, ou va-t-il connaître une érosion de ses soutiens, suite à un contexte économique difficile ? »

  • La Coalition Takku Wallu(« s’associer pour aider », en wolof)

Composé de l’Alliance pour la République (APR), le parti de l’ancien président Macky Sall et du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade, entre autres, cette coalition signe le retour en politique du président sortant Macky Sall, tête de liste de Takku Wallu, même s’il réside au Maroc depuis son départ du pouvoir en avril et n’est pas revenu au Sénégal pour faire campagne. C’est la première fois dans l’histoire du Sénégal qu’un président sortant revient aussi rapidement sur la scène politique.

La coalition réunit des partis d’idéologie libérale, mais plus que l’idéologie, les différents partis qui composent Takku Wallu se retrouvent autour « d’une stratégie électorale », selon le professeur de sciences politique à l’UGB, Maurice Soudieck Dione. Celle de se réunir autour de la figure de l’ancien président Macky Sall pour tenter de « fédérer les restes de l’APR et éviter de nouveaux départs, après la scission de l’ancien Premier ministre Amadou Ba ». Car ces derniers mois, l’APR s’est fissurée avec le départ de plusieurs cadres du parti qui ont suivi Amadou Ba. « Avec la participation de Macky Sall, même à distance, l’enjeu est de limiter la casse, de retenir le maximum de gens, et de tenter de peser sur la nouvelle assemblée dans un contexte de reddition des comptes », analyse le professeur de sociologie politique Alassane Ndao. Une stratégie qui n’a pas empêché de nouveaux départs de figures de l’APR qui avaient été investis sur les listes de Takku Wallu pour finalement soutenir le Pastef.

Parmi les principaux arguments de campagne de Takku Wallu, celui de défendre le bilan du président sortant Macky Sall et de critiquer la lenteur avec laquelle le Pastef met en place les réformes promises. Dans une lettre adressée aux Sénégalais début novembre, Macky Sall a dénoncé le manque d’expérience du Pastef, « le populisme », « la manipulation » et « la parole stérile » comme méthode de gouvernance des nouvelles autorités. Si sa coalition devait être élue, Macky Sall a promis de former un gouvernement d’union nationale, de convoquer des assises de la réconciliation ou encore de réduire le train de vie de l’État – qui est aussi l’une des promesses du parti au pouvoir.

  • Jam ak Njariñ (« paix et prospérité », en wolof)

Amadou Ba est arrivé deuxième à l’élection présidentielle avec 35%. Après avoir quitté le parti de Macky Sall, l’APR, il a créé ce mouvement politique qui s’est allié au Parti socialiste, au parti de gauche de l’Alliance des forces de progrès et à d’anciens leaders et ministres dissidents de l’APR.

« Au-delà des familles politiques et de leur idéologie, on s’adresse à l’électeur déçu du Pastef ou qui s’est abstenu à la présidentielle », explique le journaliste Madiambal Diagne, n°2 sur la liste nationale de Jam ak Njarin qui parle « de situation de crise au Sénégal » depuis que le Pastef est arrivé au pouvoir en avril et fustige, lui aussi, « l’inexpérience et une non maîtrise des finances publiques » des nouvelles autorités, dans un contexte économique et budgétaire difficile.

Jamm ak Njarin a fait campagne sur le bilan de l’ancien Premier ministre Amadou Ba, principal artisan du Plan Sénégal Émergence, le plan de développement économique du pays sous Macky Sall. « Nous voulons promouvoir le principe de paix, la démocratie, le respect des institutions, la sérénité et le calme », explique encore Madiambal Diagne, en opposition à un Premier ministre Ousmane Sonko, présenté comme une personne inexpérimentée et belliqueuse.

  • Samm Sa Kàddu(« je respecte mes paroles », en wolof)

Emmenée par le maire de Dakar, Barthélémy Dias, plutôt que des partis historiques, cette coalition réunis des figures de la société civile, des quadras et des quinquas qui incarnent une certaine réussite économique et sociale. « C’est un bloc générationnel, dont les leaders ont à peu près le même âge et des profils complémentaires », explique Anta Babacar Ngom, 40 ans et n°2 sur la liste nationale. Bougane Guèye Dany, tonitruant opposant et magnat des médias en fait partie, comme Anta Babacar Ngom, fille du fondateur du gigantesque groupe alimentaire Sedima, très présente médiatiquement lors de la présidentielle avec un certain franc-parler, même si son score n’a pas dépassé 0,34%, ou encore Cheikh Ahmed Tidiane Youm, le secrétaire général national du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR, dont le candidat était arrivé en troisième position lors de la présidentielle).

Cette coalition se positionne comme une 3e voie anti Sonko et « une opposition constructive et la seule alternative générationelle face au Pastef », estime Anta Babacar Ngom. Elle met en avant la jeunesse de ses cadres et revendique une nouvelle façon de faire de la politique, loin des considérations de politique politicienne.  « On va vers une restructuration des paradigmes et un renouvellement de la classe politique avec ces législatives », confirme le professeur en sciences politiques Maurice Soudieck Dione.

Cette revendication de vouloir faire de la politique autrement n’a pas empêché la tête de liste de la coalition, Barthélémy Dias, allié d’Ousmane Sonko lors des législatives de 2022, de personnaliser le débat autour de la figure du Premier ministre pendant cette campagne. Par meetings et statuts Facebook interposés, les deux anciens alliés ont plongé la dernière semaine de campagne dans une tension délétère, éclipsant les débats d’idée.

Sur la question de la division de l’opposition, les trois coalitions de l’opposition mettent en avant la stratégie d’intercoalition qui consiste à soutenir la coalition là où elle est la mieux placée. Les trois coalitions ont trouvé un accord pour les départements de la diaspora et de Bambey. À Dakar et dans l’ensemble des autres départements, Takku Wallu et Samm Sà Kaddu font alliance.

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Une campagne électorale marquée par des cas de violence

La campagne des élections législatives anticipées au Sénégal se termine ce vendredi soir. Elle a été marquée par des cas de violences, et une vive tension ces derniers jours, note notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff. Des accrochages violents ont eu lieu lundi 11 entre les sympathisants du parti au pouvoir et des militants d’une coalition d’opposition, avec des blessures à coups de couteau. Des propos d’une rare virulence ont également été tenus par le Premier ministre Ousmane Sonko, suite à ces incidents. Il a appelé ses militants à se venger d’agressions dont ils auraient été victimes, avant de finalement se raviser.

Depuis, 81 personnes ont été interpellées. Des couteaux, lance-pierre et autres matraques ont été saisis par la police.

Ces éruptions de violence sont récurrentes au Sénégal en période électorale. Et pour Moussa Diaw, professeur en sciences politiques à l’université de Saint-Louis, c’est la preuve que les enjeux du scrutin sont importants pour les différents acteurs. « Pour l’exécutif, l’objectif est d’avoir une majorité confortable pour pouvoir gouverner et faire les réformes importantes. Compte tenu de ces enjeux, les autres aussi cherchent à se positionner, il y a des rapports de force. Cette forme de violence est exercée par un certain nombre de leaders en manque de discours ou d’offres politiques, qui utilisent la violence verbale et, malheureusement, la violence physique », explique-t-il.