Sommet des Brics+ : Les nouveaux pays membres face au défi de s’entendre malgré leurs divergences

International

Ce mardi 22 octobre, s’ouvre à Kazan en Russie le sommet des Brics+, le premier à se tenir depuis l’élargissement – en 2023 – à cinq nouveaux membres : l’Éthiopie, l’Égypte, l’Iran, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. Mais cette nouvelle alliance devra trouver des compromis, surtout face aux nombreux différends politiques qui opposent les nouveaux pays membres.

Une alliance faite de pays qui ont du mal à s’entendre. Les nouveaux arrivants africains qui compose le nouveau groupe des Brics+, l’Égypte et l’Éthiopie se disputent le contrôle du Nil. En mer Rouge, les attaques des Houthis bloquent l’accès au canal de Suez, ce qui déstabilise l’Égypte tout autant que la Chine. Or, les Houthis sont financés et soutenus par l’Iran, désormais membre des Brics.

Toutefois, à défaut de s’entendre politiquement, on s’accorde sur la possibilité d’une alternative à l’Occident : avec l’élargissement à cinq nouveaux membres en plus de la Russie, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Inde, les Brics+ représentent ensemble près de 37% du PIB mondial.

Un intérêt économique pour l’Égypte

Une opportunité d’envergure pour l’Égypte, qui fait face à une pénurie de dollars et serait soulagée de pouvoir importer du blé et d’autres produits des Brics+ dans une autre monnaie. Le pays arabe est écrasé par sa dette extérieure – près de 165 milliards de dollars – et traverse actuellement la pire crise économique de son histoire, avec un besoin accru d’aide financière dans un contexte d’inflation galopante.

Malgré tout, Pavel Diev, chef du service des relations monétaires internationales à la Banque de France, tempère sur l’impact qu’aura l’intégration aux Brics pour les nouveaux arrivants. « L’intérêt économique est plutôt faible à l’heure actuelle, parce que les Brics, ce n’est pas une zone de libre-échange. Ça a eu un effet assez faible. L’Égypte est dans une situation assez préoccupante au niveau de ses finances. Donc le pays a toujours besoin de faire appel au FMI », estime-t-il au micro de Justine Fontaine.

Le FMI a en effet octroyé en mars dernier cinq milliards de dollars de prêts supplémentaires à l’Égypte, après un prêt de trois milliards de dollars fin 2022. En contrepartie, le Fonds a exigé des réformes de grande envergure, notamment l’adoption d’un taux de change plus flexible, des plans visant à renforcer le rôle du secteur privé dans l’économie, ainsi que la lutte contre l’inflation élevée et la dette publique.

Peser financièrement à l’international

Cependant, l’attractivité du groupe est telle que l’Algérie, candidate déçue à l’intégration de l’alliance, a tout de même souhaité financer la nouvelle banque de développement des Brics, à hauteur de 1,5 milliard de dollars. Car pour le président Tebboune, « la banque des Brics est considérée comme la nouvelle banque de développement, équivalente à la Banque mondiale ».

D’après Pavel Diev, l’avantage de rejoindre les Brics+ est en effet avant tout politique, pour peser en faveur d’une réforme des institutions financières internationales. « C’est un message qu’ils sont en train de faire passer aux pays avancés, et aux réformes qui sont en train d’être menées au sein des institutions de Bretton Woods : elles doivent reconnaître leur poids économique plus fort par une représentation adéquate dans les votes, dans le conseil d’administration du FMI ou à la Banque mondiale, qui restent dominées par les pays avancés », rapporte-t-il.

Dix ans de la nouvelle banque de développement des Brics

Cette banque, présentée comme une alternative à la Banque Mondiale, a dû mal à tenir ses engagements. La Banque Mondiale est décriée pour son manque de représentation et jugée comme étant dominée par les Occidentaux ou encore ses conditions de prêts perçus comme de l’ingérence. Y remédier tout en mettant fin à la domination du dollar, voilà l’ambition que s’était donnée leur nouvelle banque de développement des Brics à sa fondation en 2014.

Malgré les quelques prêts en monnaie locale comme à l’Afrique du Sud, Bruno Cabrillac, de la Fondation sur les études et la recherche pour le développement international, constate qu’elle « emprunte et prête en dollars ». Quant aux conditions de prêts, ses difficultés de financements l’obligent à lever des fonds et donc dépendre des agences de notations pour attirer des investissements. Ainsi, pour améliorer sa note, elle se conforme aux critères de prêts semblables aux autres banques comme la banque régionale asiatique ou africaine.

L’élargissement, qui permet certes l’augmentation des fonds de la banque, pose aussi la question de la répartition des droits de vote. Quelle part sera faite aux nouveaux arrivants ? Notamment l’Algérie et le Bangladesh, membre de la banque, mais pas des Brics. Ainsi, dix ans plus tard, il faut à minima constater une différence entre les annonces faites et le fonctionnement actuel de la banque