La justice russe a réclamé lundi une peine de trois ans et trois mois de prison ferme à l’encontre du Français Laurent Vinatier, détenu depuis juin et accusé de ne pas s’être enregistré en tant qu’« agent de l’étranger ».
La défense de Laurent Vinatier a jugé ce réquisitoire « extrêmement sévère », les autorités l’accusant d’avoir manqué à son obligation de s’enregistrer sous ce label alors même qu’il collectait des « informations dans le domaine des activités militaires » pouvant être « utilisées contre la sécurité » de la Russie. Un délit passible de cinq ans de prison.
« L’accusation demande de reconnaître l’accusé coupable […]. Je propose d’imposer une peine de privation de liberté d’une durée de trois ans et trois mois, à purger dans une colonie pénitentiaire », a déclaré la procureure dans la salle d’audience d’un tribunal à Moscou, selon une journaliste de l’AFP sur place.
« Nous considérons que la peine demandée par la procureure est extrêmement sévère », a déploré dans la foulée l’un des avocats russes de M. Vinatier, Oleg Bessonov, qui a rappelé que son client avait « pleinement avoué sa culpabilité » en plaidant l’ignorance.
« Illégale »
« Cette demande est déraisonnable et illégale », a martelé son autre avocat Alexeï Sinitsine. Les deux avocats ont demandé que leur client soit sanctionné par une amende. Dans le box des accusés, les traits tirés, Laurent Vinatier, qui portait une chemise bleu clair, a quant à lui réclamé un « jugement indulgent et équitable », estimant que « l’emprisonnement affectera (it) les conditions de vie » de sa famille.
Laurent Vinatier, âgé d’une quarantaine d’années, avait reconnu ne pas s’être enregistré en tant qu’ » agent de l’étranger », un label utilisé en Russie contre les voix critiques et qui impose de lourdes obligations administratives, sous peine de sanctions pénales. Il avait assuré ignorer que cette obligation avait été introduite dans le Code pénal.
Les services de sécurité russes (FSB) ont pour leur part affirmé début juillet que l’accusé avait établi de « nombreux contacts » avec des politologues, des économistes et des experts militaires russes, ainsi qu’avec des fonctionnaires. « Au cours d’échanges avec ces personnes, (il) a notamment recueilli des informations militaires et techniques qui peuvent être utilisées par des services de renseignement étrangers à l’encontre de la sécurité de la Russie », déclarait alors le FSB.
Relations tendues avec Paris
Début septembre, la détention provisoire du Français avait été prolongée de six mois au premier jour de son procès, jusqu’au 21 février 2025. Ce chercheur spécialiste de l’espace post-soviétique était employé sur le sol russe par le Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG suisse qui fait de la médiation dans des conflits hors des circuits diplomatiques officiels.
« Ma femme est russe, mes amis sont russes. J’ai vécu une vie russe », a-t-il rappelé lundi face aux juges, disant être tombé amoureux de la Russie il y a vingt ans, à l’occasion d’un voyage à Moscou et Saint-Pétersbourg. Selon des sources interrogées par l’AFP, le Français travaillait depuis des années sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, avant même l’offensive russe de février 2022, dans le cadre de discrets efforts diplomatiques en parallèle à ceux des États. Jusqu’à son arrestation, il effectuait des voyages dans les deux pays.
Cette affaire survient aussi à un moment où les relations entre Moscou et Paris sont très tendues : la Russie est accusée d’une série d’actes de déstabilisation et de désinformation sur le territoire français, tandis que la France se voit reprocher son soutien à l’Ukraine.