(«Si j’avais décidé de ne plus combattre, rien ne m’en aurait empêché»)
Le 19 octobre 2024 en Arabie saoudite, Francis Ngannou va renouer avec les arts martiaux mixtes (MMA), plus de deux ans après son dernier combat remporté face au Français Ciryl Gane, pour le titre des poids lourds de l’Ultimate Fighting Championship (UFC). Cette fois, c’est la ceinture du Professional Fighters League (PFL) que le Camerounais vise, face au Brésilien Renan Ferreira. Un défi complexe pour la superstar qui a consacré une grande partie des deux dernières années à la boxe anglaise et à ses combats face aux Britanniques Tyson Fury et Anthony Joshua. Francis Ngannou a surtout vécu une tragédie avec la mort de son fils âgé de 15 mois. Entretien
RFI : Francis Ngannou, vous affrontez le Brésilien Renan Ferreira le 19 octobre 2024 au PFL. Qu’est-ce que vous pensez de cet adversaire ?
Francis Ngannou : Je pense que c’est un très bon adversaire, très talentueux, peut-être un peu moins expérimenté que moi, mais très talentueux.
Ça fait plus de deux ans que vous n’avez pas participé à un combat professionnel de MMA. Vous avez disputé deux combats de boxe professionnel entretemps. Est-ce que ça vous fait plaisir de retrouver les arts martiaux mixtes (MMA) ?
Oui, ça me fait plaisir. Après, retrouver le MMA, je ne dirais pas ça comme ça. Même si entre temps, j’ai fait de la boxe, je n’ai jamais vraiment quitté le MMA, on ne s’est jamais vraiment quitté.
Qu’est-ce qui est le plus important pour vous aujourd’hui ? Être performant sportivement au PFL ou votre travail à la tête de la branche Afrique du PFL, qui sera chargée de promouvoir le MMA sur le continent ?
Là tout de suite, c’est le combat. (Il réfléchit) Mais je dois quand même avouer que ce qui m’avait intéressé dans le cadre de la proposition du PFL, c’était plus le côté Afrique, ce qui était envisagé pour le PFL Afrique et l’intérêt qu’ils y accordaient. C’est ça qui m’avait le plus fasciné dans leur proposition, contrairement à d’autres.
Le PFL sera en Afrique en 2025 avec un premier gala de MMA sur le continent. Savez-vous déjà dans quel pays, à quelle date ?
Non, ça n’est pas encore décidé. Je pense qu’il y a encore un travail de fond qui est en train d’être mené sur le roster (l’effectif, NDLR) de combattants. Après, il va y avoir un matchmaking (le fait de préparer les combats et leur organisation, NDLR) en fonction des combattants qu’on aura à disposition, qui auront déjà signé un contrat. Pour le lieu, ce n’est pas défini non plus. Vu les combattants qu’on a pour l’instant, le Cameroun et le Nigeria dominent.
Vous avez été champion du monde de MMA, vous avez affronté deux légendes de la boxe. Qu’est-ce qui vous pousse à continuer, au-delà des obligations contractuelles et financières ?
Je ne trouve pas que ce soit contractuel ou financier. Je ne trouve pas que j’ai des obligations. J’ai le choix. Si j’avais décidé de ne plus continuer, rien ne m’en aurait empêché. Pour moi, il y a une question de passion, de satisfaction, une forme d’existence.
Vous avez beaucoup accompli de choses sportivement. Vous avez aussi vécu des drames personnels. Est-ce que c’est difficile parfois de trouver l’énergie pour repartir au combat ?
Oui, c’est parfois très difficile. Je ne vais pas mentir. Je dois dire que ça a été très difficile pour cette fois, plus que n’importe quand dans ma vie et dans ma carrière, parce que beaucoup de choses ont été mises en cause, mises en doute. Déjà, mon envie de re-combattre, ma volonté.
Vous pensez continuer encore combien de temps les combats ?
Je ne sais pas. Je laisserai le temps décider, je laisserai la passion, mon envie décider à ma place. Le jour où je n’aurai plus cette envie et cette détermination, j’arrête.
Vous avez acquis le statut de superstar, notamment en Afrique. Est-ce que c’est devenu plus important avec le temps pour vous, ce que vous incarnez sur le continent ?
Je ne sais pas… (Il hésite) En fait, ces derniers temps, je ne sais plus beaucoup de choses. Je me pose moi-même beaucoup de questions sur pas mal de choses. Sur qui je suis, ce que j’incarne… Ce sont des questions que je me pose. Qui je suis ? Ce que je fais ? Est-ce que je le fais bien ? Est-ce que ça a du sens ? Et, si non, pourquoi je le fais ?
Au-delà de l’aspect sportif, vous avez plusieurs activités au Cameroun. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai ma fondation, où on a aujourd’hui des centres d’entraînement. On a un centre informatique aussi avec la fondation. Je suis un peu aussi le foot. Je soutiens l’équipe de foot (le Sable de Batié, NDLR) de mon village. Ce n’était pas un projet auquel j’avais beaucoup pensé, au départ. Mais, récemment, j’ai réalisé que mon village était un peu absent sur le plan sportif, alors que j’étais de mon côté un grand sportif. J’avais l’opportunité de pouvoir motiver un peu le village pour retrouver son statut de communauté sportive, comme à l’époque.
Vous suivez, j’imagine, l’actualité du continent. Le nombre de personnes qui décèdent dans le Sahara, dans l’Atlantique, dans la Méditerranée, en tentant de rejoindre l’Europe, ne cesse d’augmenter. Qu’est-ce que ça vous inspire, vous qui avez vécu le drame de la migration ?
C’est triste, juste triste (voix éteinte). Nos autorités doivent prendre tout cela en considération et essayent de trouver des solutions, peut-être en rendant le climat plus favorable plus nos jeunes pour se développer localement. On a plein de ressources, même si, pendant des années, on nous a mentis en nous disant que nous étions pauvres – alors qu’on est plutôt très riches – et que l’Occident est très riche, ce qui n’est pas vrai, car il y a des gens qui galèrent énormément ici. Pourtant, d’autres ne s’en sortent pas mal et avec peu au pays, et surtout qui sont très heureux et épanouis.