Après plusieurs mois au secret, le colonel Kassoum Goïta, ancien chef de la sécurité d’État, et l’adjudant-chef Abdoulaye Ballo sont réapparus : ils ont été ramenés au camp 1 de la gendarmerie de Bamako dans la nuit de lundi 9 à mardi 10 septembre. Accusés de « complot », ils avaient été enlevés dans leur cellule, respectivement en mai et en juillet derniers. Ils étaient, selon les informations de RFI, détenus depuis les services maliens de la sécurité d’État, en violation de la procédure judiciaire. Mais leur état est inquiétant.
Leurs avocats sont plus préoccupés que soulagés. C’est l’état de santé du colonel-major Kassoum Goïta qui les inquiète le plus.
Le colonel Kassoum Goïta est lui-même ancien directeur de la Sécurité d’État. Il avait été nommé à ce poste quelques semaines après le premier coup d’État d’août 2020, puis évincé après le second coup, de mai 2021. À l’époque, le président de transition Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane avaient tenté un remaniement gouvernemental, prévoyant notamment d’éjecter le colonel Sadio Camara et le colonel Modibo Koné, deux des militaires putschistes. Ce qui avait suscité la colère de la junte et provoqué ce second coup, qualifié de « rectification de la Transition. »
Procès des fidèles de l’ancien président Bah N’Daw
Dans les mois qui ont suivi, à l’automne 2021, le colonel Kassoum Goïta, mais aussi l’ancien secrétaire général de la présidence Kalilou Doumbia, avaient été enlevés par la Sécurité d’État. C’est le cas, au total, de six personnalités, dont un ancien commissaire de police, un opérateur économique et un marabout.
Leur cas avait finalement été transmis à la Justice et pris une forme légale, du moins officielle. Les six hommes sont poursuivis pour « tentative de complot contre le gouvernement. » Tous clament leur innocence. Leurs conseils dénoncent un « dossier vide », un « procès des fidèles de l’ancien président Bah N’Daw. » En juin 2022, la justice malienne avait mis hors de cause deux des six co-accusés, mais la Cour d’appel a finalement décidé de tous les renvoyer devant la Cour d’assises. Aucune date n’a été fixée pour leur procès.
Tortures
Lors de leur premier passage aux mains de la Sécurité d’État, il y a trois ans et pendant deux mois, les détenus avaient déjà subi d’atroces tortures, documentées par l’ONG Human Rights Watch : décharges électriques sur les parties génitales, simulations de noyade.
Leurs avocats avaient osé porter plainte en décembre 2021 pour « associations de malfaiteurs », « torture » et « vol » contre l’actuel directeur de la sécurité d’État, le colonel Modibo Koné. Celui-ci est l’un des cinq colonels qui ont pris le pouvoir au Mali. Cette plainte n’a jamais connu de suite.
Aucune précision, à ce stade, sur ce que le colonel Kassoum Goita et l’adjudant-chef Abdoulaye Ballo ont subi pendant ce deuxième séjour de trois mois au secret, en dehors de tout cadre légal. Mais leurs avocats, qui les ont rencontrés, ne cachent pas leur inquiétude.
Un autre militaire malien a également été enlevé de sa cellule en mai dernier : le colonel Alpha Yaya Sangaré avait été arrêté par des hommes en civil en mars après la publication d’un livre évoquant les accusations d’exaction visant l’armée malienne. Des accusations que rejettent en bloc les autorités de transition. Après une période sans nouvelles, RFI avait appris sa détention au camp 1 de la gendarmerie de Bamako. Un lieu de détention qu’il a donc quitté il y a plus de trois mois pour une destination inconnue.