Le président français Emmanuel Macron a demandé mercredi 10 juillet « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines » de composer « une majorité solide » à l’Assemblée nationale, avant de désigner un nouveau chef du gouvernement, écrit le chef de l’État dans une lettre publiée dans la presse régionale. Emmanuel Macron a assuré qu’il « décidera de la nomination du Premier ministre » lorsque les forces politiques auront « bâti » des « compromis ».
Dans une lettre publiée mercredi dans la presse régionale qui le sort de son silence pour la première fois depuis le second tour des élections législatives anticipées, le président de la République estime que non seulement « personne ne l’a emporté » mais qu’il faut « inventer une nouvelle culture politique » face à la coexistence inédite de trois blocs dans l’hémicycle : le Nouveau Front populaire, le bloc macroniste et le Rassemblement national.
« Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue », écrit le chef de l’État. L’union de la gauche du Nouveau Front populaire est arrivée en tête devant le camp présidentiel à la suite de désistements réciproques pour empêcher l’extrême droite du Rassemblement national (RN), principale force à l’issue du premier tour, d’arriver au pouvoir. Les Républicains (LR, droite) ont conservé pour leur part une soixantaine de députés, loin derrière ces trois blocs.
Dans sa lettre aux Français, le président Emmanuel Macron a demandé mercredi « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays ».
« Ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible », ajoute le président de la République, actuellement en déplacement à Washington pour un sommet de l’Otan, en faisant observer que « les Français ont choisi par les urnes le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes ».
Emmanuel Macron ne précise pas quelles forces seront amenées à construire cette majorité. Les conditions qu’il pose excluent toutefois la participation du Rassemblement national et une partie, au moins, de la France insoumise.
« Un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun »
Emmanuel Macron a assuré mercredi qu’il « décidera de la nomination du Premier ministre » lorsque les forces politiques auront « bâti » des « compromis avec sérénité et respect de chacun » : « cela suppose de laisser un peu de temps ». « D’ici là, le gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine », a poursuivi le président de la République.
Cette prise de parole décisive intervient au moment où le camp présidentiel se démultiplie à l’Assemblée nationale pour dégager une majorité. Les macronistes tentent ainsi de convaincre que le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives de dimanche avec 190 à 195 députés, et tout particulièrement La France insoumise, ne sont pas légitimes pour gouverner seuls.
Dans un communiqué, les députés Renaissance ont ainsi plaidé pour « des alliances programmatiques » au sein d’une « coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement », sans LFI. Mais dans le détail, plusieurs lignes se chevauchent dans les rangs macronistes sur la stratégie à adopter.
Certains, menés notamment par Gérald Darmanin, lorgnent essentiellement la droite pour trouver des alliés. « Il peut y avoir un Premier ministre de droite, cela ne me gênerait en rien », a ainsi déclaré le ministre de l’Intérieur sur CNews et Europe 1. Cela rejoint la posture de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui plaide lui pour la signature d’un « accord technique » avec Les Républicains, en vue « d’avancer et de gérer les affaires du pays pendant au moins un an ». Laurent Wauquiez a été élu ce mercredi 10 juillet à la tête du groupe Les Républicains, renommé « droite républicaine ».
La position d’Emmanuel Macron perçue comme « un coup de force contraire aux institutions »
Plusieurs personnalités politiques ont réagi. À gauche, Jean-Luc Mélenchon assure qu’Emmanuel Macron « refuse de reconnaître le résultat des urnes » et doit « s’incliner » face au Nouveau Front populaire. Le député Générations (membre du NFP), Benjamin Lucas, dénonce quant à lui « un coup de force contraire aux institutions » et une « forfaiture ».
À l’extrême droite, Laure Lavalette (RN) fustige « un cynisme absolument aberrant », accusant le chef de l’État d’avoir « organisé l’impasse institutionnelle et politique dans laquelle nous sommes ».
Le camp macroniste semble pour sa part fissuré : le député Karl Olive, ex-LR, a rappelé que ses « lignes rouges avec le Nouveau Front Populaire [étaient] des lignes Maginot ». Ce dernier reproche à l’alliance de gauche d’être, selon lui, « pour le désarmement de la police », « l‘augmentation » et « la création d’impôts ».
Chez LR devenu « droite républicaine », le député Fabien di Filippo ironise sur le fait qu’« Emmanuel Macron demande aux forces politiques de faire preuve de toutes les qualités dont il a cruellement manqué depuis plusieurs années à la tête de notre pays ».
Selon un sondage Elabe pour BFMTV paru ce mercredi, réalisée sur internet les 9 et 10 juillet auprès d’un échantillon de 1.002 personnes, sept Français sur dix ne sont « pas satisfaits » de la nouvelle composition de l’Assemblée nationale. Le Nouveau Front populaire (190 députés) est le camp qui « sort le plus renforcé des élections législatives » pour 35% des Français, suivi de près par le Rassemblement national et ses alliés (30% des sondés).
Le RN est arrivé troisième avec 143 députés, mais a recueilli le plus grand nombre de voix et gagné une cinquantaine de parlementaires en deux ans. La macronie (160 élus) n’est désignée la gagnante du scrutin que par 5% des sondés, 28% d’entre eux estimant qu’aucun camp ne sort renforcé.