Le nouveau ministre russe de la Défense est un civil : Andreï Beloousov n’a servi ni au sein des forces soviétiques, ni au sein des forces russes. La nomination de cet économiste de 65 ans, annoncée dimanche 12 mai, illustre davantage une volonté de moderniser l’appareil militaro-industriel qu’une reprise en main des opérations en Ukraine
Certes, Andreï Beloousov s’intéresse aux questions militaires. Mais ce docteur en sciences économiques et mathématicien – réputé incorruptible – est surtout un spécialiste des questions industrielles, rapporte notre correspondant à Moscou, Jean-Didier Revoin.
Il a développé ce goût au contact du pouvoir depuis les années 2000, en conseillant le Premier ministre, puis le ministre du Développement économique, avant de devenir lui-même ministre du Développement économique en 2012. L’année suivante, il est devenu, en plus, conseiller du président Vladimir Poutine, pour intégrer le conseil d’administration du géant pétrolier Rosneft en 2015.
L’arrivée d’un tel profil à la tête de la Défense semble donc viser davantage la modernisation et l’amélioration de l’efficacité du complexe militaro-industriel où la corruption est régulièrement décrite comme endémique. Il y a quelques semaines, Timour Ivanov, l’un des vice-ministres de la Défense, était même arrêté sur des accusations de corruption. Andreï Belooussov devrait aussi attaquer à ces problèmes.
Andreï Belooussov sera très certainement amené à accélérer la transformation de l’économie russe en économie de guerre, déjà lancée dès le début des opérations en Ukraine.
Pas de changement de cap en ce qui concerne les opérations en Ukraine
Cette nomination signifie également une chose : la conduite de la guerre devrait désormais être intégralement de la responsabilité de l’état-major militaire, ainsi que du Kremlin. Car un changement du mode opératoire des forces russes n’est pour l’instant pas envisagé. Le Kremlin a fait savoir que Valery Guerassimov, chef de l’état-major en charge des opérations en Ukraine, conservait son commandement.
Ce jeu de chaises musicales ne représente donc pas un changement de cap : le remaniement n’était pas surprenant dans le fond, bien que l’annonce dimanche n’ait pas été pas attendue.
Si son prédécesseur était en place depuis 2012, Sergeï Choïgou était conscient d’être sur la sellette depuis plusieurs mois en raison de nombreuses critiques sur la gestion du conflit en Ukraine. Très présent aux côtés de Vladimir Poutine durant les premiers mois de l’offensive russe en Ukraine, le ministre de la Défense semblait disparaître des écrans alors que les difficultés de l’armée russe sur le terrain se multipliaient.
Problème de commandement, problèmes de coordinations, problème de logistique, manque de munitions, sans parler des accusations de corruptions : Sergeï Choïgou se savait en danger. Cela malgré sa proximité avec le président.
Douze ans de Choïgou à la tête de la Défense
Ce pur produit de l’époque soviétique a occupé pendant 12 ans le poste de ministre des Situations d’urgence. Il a ensuite été nommé en 2012 au ministère de la Défense. Il obtient alors le grade de général, malgré son manque d’expérience militaire de haut niveau. Une lacune que ne cessera de rappeler un certain Evguéni Prigojine, le défunt patron de Wagner, lors de la révolte avortée de sa milice en juin 2023.
Sergueï Choïgou laisse derrière lui une armée vieillissante, qui a subi de lourdes pertes sur le terrain. Cette armée semble reprendre l’initiative sur le front ukrainien, mais pâtit encore de problèmes de commandement.