Selon le colonel-major Amadou Abdramane, l’accord de coopération serait « une simple note verbale », « unilatéralement imposée » par Washington. Le document contraindrait le Niger à payer ses factures liées aux taxes des avions américains, ce qui coûterait plusieurs milliards, selon le porte-parole. Niamey se plaint également de n’avoir aucune information sur les opérations américaines, tout en ignorant leurs effectifs et matériels déployés. « Cet accord est, non seulement, profondément injuste dans son fond, mais également ne correspond pas aux aspirations et aux intérêts du peuple ».
Ainsi, le membre du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a jugé que « la présence américaine sur le territoire du Niger est illégale et viole toutes les règles constitutionnelles et démocratiques ». Cette décision fait suite à la visite, entre mardi 12 et jeudi 14 mars, d’une délégation américaine de haut niveau à Niamey. Une rencontre « sans respect des usages diplomatiques » et « imposée », selon Amadou Abdramane.
Le Niger a dénoncé, samedi 16 mars dans la soirée « avec effet immédiat », l’accord de coopération militaire avec les États-Unis. Un accord signé en 2012, alors que les Américains disposent aujourd’hui d’environ un millier de soldats dans le pays, ainsi que d’une importante base de drones à Agadez. À la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement a jugé cette coopération « injuste » et « ne répondant pas aux attentes ».
Les échanges auraient porté sur la transition en cours et le choix des partenaires étrangers. D’après le colonel-major, les Américains auraient accusé Niamey d’avoir signé des accords secrets, que ce soit dans le domaine militaire avec la Russie, ou sur l’uranium avec l’Iran. Le porte-parole a rappelé que les partenariats avec Moscou ou l’Iran respectaient le droit international, alors que, selon lui, des avions américains survolent illégalement le Niger depuis plusieurs semaines. Le colonel-major a ainsi dénoncé une « attitude condescendante et la menace de représailles » des Américains. De quoi « saper les relations » et « miner la confiance entre nos gouvernements », a-t-il dit.
Amadou Abdramane a rappelé que ces partenariats étrangers respectaient le droit international. « Le gouvernement du Niger regrette la volonté de dénier au peuple nigérien souverain le droit de choisir ses partenaires alors que même que les États-Unis ont décidé unilatéralement de suspendre toute coopération entre nos deux pays ». La décision de ce samedi 16 mars sonne ainsi comme une mesure de représailles de Niamey.
Mais il y a d’autres raisons dans cette rupture. Une source au ministère de la Sécurité, à Niamey, explique aussi cette décision par une « non-coopération » des USA sur le terrain en matière de lutte contre le terrorisme.
« Il y a environ un millier de soldats américains chez nous, au Niger. Ils ont des drones et autres appareils sophistiqués. Ils refusent de partager des informations avec nous sur les mouvements des terroristes. Trop c’est trop ! » explique cette même source au ministère de la Sécurité.
Le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a fait savoir sur X (ex-Twitter) que Washington avait pris connaissance du communiqué du CNSP et qu’il faisait suite à des « discussions franches […] sur nos préoccupations » concernant la « trajectoire » de la junte. Les États-Unis sont toujours en contact avec la junte et fourniront de nouvelles informations « si nécessaire », a-t-il ajouté.
Faut-il envisager un retrait rapide ?
Le problème s’est posé après l’annonce de la rupture Niamey/Paris sur le plan de la coopération militaire. Aujourd’hui, pour Niamey, il est clair que la présence américaine va poser problème. Les États-Unis comptent quelque 1 100 soldats engagés dans la lutte anti-jihadiste dans le pays et disposent d’une importante base de drones à Agadez, dans le nord du Niger. « Si nous fixons une date pour leur départ, nous nous engageons à ce que tout se passe sans fracas », explique une autre source nigérienne.
Quelles conséquences pour le Niger et les États-Unis?
Pour les Américains, c’est un coup dur. Ils perdraient une position stratégique. Sur le continent, se trouve leur deuxième grande base militaire, derrière celle de Djibouti.
Conséquences Pour le Niger ? Politiquement, il faut craindre que Washington tienne un discours plus dur sur la nécessité d’un retour rapide des civils au pouvoir. Mais en attendant, les Russes pourraient taper un peu plus à la porte du Niger et les Iraniens qui aident actuellement Niamey à notamment résoudre sa crise énergétique, pourraient avoir d’autres ambitions. « L’idée, pour le Niger, n’est pas un isolement diplomatique mais un changement de partenaire stratégique en s’orientant vers la Russie qui, elle aussi, via Wagner, tente de reprendre pied dans cette partie du monde. Elle réussit plutôt bien jusqu’à présent.» ( Sebastien Nemeth)