Le Niger a de nouveau été dans l’incapacité de payer une échéance sur le marché régional de L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Depuis le coup d’État en juillet 2023 et la mise en place de sévères sanctions, le Niger a manqué plusieurs paiements. Une somme totale qui s’élève à plus de 478 millions d’euros. Cette situation contraint largement la marge de manœuvre des autorités nigériennes.
Le Niger doit aujourd’hui composer avec moins de ressources, des recettes limitées, et des comptes gelés. Le pays fait donc face à un déséquilibre entre recette et dépenses. Pour l’instant, une seule solution s’offre aux autorités, analyse Benoît Chervalier, enseignant sur le financement des économies africaines à Sciences Po Paris : « La meilleure manière de conjuguer cet écart entre les deux, c’est tout simplement de faire traîner le remboursement ou le respect des obligations qui peuvent découler d’un débiteur face à son créancier. »
Depuis le début de l’année, ce sont huit échéances sur les marchés régionaux que le Niger n’a pas honorées. « Il est à noter que cet incident de paiement intervient dans un contexte où l’État du Niger est soumis à des sanctions prises à son encontre par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine », indique l’organe des marchés de titres publics de la région dans une note, lundi 19 février.
Des défauts de remboursements qui auront un impact sur le moyen et long terme pour le Niger. Moody’s a encore dégradé – la semaine dernière – la note du Niger pour la troisième fois depuis le coup d’État. Certaines analyses qu’a pu consulter RFI pointent le risque de solvabilité du secteur bancaire si les sanctions n’étaient pas levées rapidement. Cependant, l’analyste financier de REDD Intelligence, spécialiste des questions de dettes souveraines en Afrique, se veut rassurant sur les impacts régionaux. « Il ne semble pas y avoir de concentration des dettes dans un seul établissement bancaire, cela semble relativement dispersé », avance-t-il. Par ailleurs, si la somme due est importante à l’échelle du Niger, elle reste très relative face aux géants de l’économie régionale que sont la Côte d’Ivoire ou le Nigeria, explique-t-il encore.
Importance du secteur minier et agricole
Les sanctions contraignent de fait l’économie du Niger. Directement via le gel de certains comptes logés à la BCEAO, la suspension des aides des bailleurs internationaux – de 11% du PIB avant le coup d’État elles sont aujourd’hui estimées à moins de 4% du PIB – ou encore l’impossibilité pour les autorités de faire certaines levées de fonds. En conséquence, cela donne un budget 2024 contraint.
Des conclusions indirectes sur l’économie se font également ressentir. Notamment avec le fort ralentissement des commerces transfrontaliers, souligne Benoit Chervalier. Le secteur privé, déjà sous forte pression, pourrait voir un certain nombre d’entreprises fermer, souligne encore la note consultée par RFI. Le manque de liquidités bancaires et la réduction des dépenses affectent l’entrepreneuriat, notamment le secteur du bâtiment, poursuit cette même analyse.
Autre facteur de poids : la suspension de la coopération électrique du Nigeria, qui représentait 70% de l’approvisionnement nigérien, a de fait des conséquences sur les activités économiques. Soit ce manque de courant est compensé par des centrales thermiques qui ont un coût plus élevé, soit par des coupures qui impactent les activités.
Des solutions financières nécessaires
Face à ces pressions financières, le Niger s’adapte donc. Les autorités ont mis en place par exemple un nouveau système de prélèvement de taxes et d’impôts en liquide, par exemple, pour contourner les sanctions qui touchent leurs comptes. En ne payant pas une partie de ses créances, l’État repousse la difficulté de réunir certaines sommes. « C’est un mélange de tout ça. Entre ce pilotage « un petit peu à vue », et le fait de générer le plus de recettes qu’il peut, précise Benoît Chervalier. Que ce soit à travers des entreprises existantes, ça peut être à travers une forme de harcèlement fiscal, à l’égard des entreprises. Ça veut dire une refonte aussi des droits, obligations d’un certain nombre de contrats. »
Cependant, malgré des sanctions imposées après le coup d’État en juillet 2023, l’économie nigérienne a su résister. « Une résilience remarquable », souligne même un économiste d’une grande institution, joint par RFI. Les autorités ont joué sur « l’ensemble de la palette » des possibles, dit Benoît Chervalier. Le secteur minier a notamment poursuivi ses activités. Le secteur agricole permet également de soutenir une croissance en baisse – 7% pré-coup à 3,7% estimé post-coup – mais toujours positive si la prochaine campagne est bonne.
Parmi les recettes les plus attendues, les revenus à venir du pétrole. Cependant, cela ne règlera pas l’ensemble des problèmes quand bien même les sanctions étaient prochainement levées selon l’analyste financier, Mark Bohlund. « La production pétrolière devrait aider, et l’effet de contagion de ces arriérés cumulés devrait être relativement limité, assume-t-il. Mais ils vont avoir besoin de solutions financières. Peut-être dans le cadre d’un prêt syndiqué. Mais je pense que pour obtenir un tel prêt, ils auront besoin d’une sorte de garantie de crédit multilatérale. »
Des besoins qui seront « difficiles à obtenir sans une sorte de transition vers un régime civil », estime encore Mark Bohlund. Si le Niger parvient à garder la tête hors de l’eau malgré les prédictions, Benoît Chervalier s’interroge : « Combien de temps cette politique peut durer ? Il est certain qu’on ne voit pas durer cette politique très longtemps puisqu’elle n’est pas soutenable », sur du long terme. Pour l’enseignant, comme pour l’analyste, la solution sera inévitablement politique.