La 34e édition de la CAN de football vient de s’achever avec la victoire de la Côte d’Ivoire 2-1 face au Nigeria ce 11 février 2024 au stade d’Ébimpé, au nord d’Abidjan. Pourtant battus 4-0, le 22 janvier dernier par la Guinée équatoriale, les Éléphants étaient alors au bord du gouffre. Ils sont finalement passés par un trou de souris en huitièmes de finale, et changent alors de sélectionneur. Du jamais vu en pleine compétition ! Adieu le Français Jean-Louis Gasset, bonjour l’Ivoirien Émerse Faé. Le sélectionneur de 40 ans, novice sur un banc, nage en plein rêve. Entretien.
RFI : Félicitations Émerse Faé. Votre histoire est incroyable. Celle de la Côte d’Ivoire, bien sûr, la vôtre aussi : vous êtes peut-être le champion le plus express de l’histoire de la Coupe d’Afrique des nations, avec quatre matches et déjà la médaille autour du cou.
Émerse Faé : Oui, c’est vrai, on peut dire ça comme ça, même si c’est vrai qu’il y a eu… Bon, ça fait quand même un an et demi que je suis dans le groupe, que je vis avec le groupe, même si je n’étais pas entraîneur principal. Et un petit mot aussi pour le staff qui est parti en cours de compétition, c’est aussi leur victoire. On avait fait un super travail avant. Ça nous a permis aujourd’hui de gagner cette compétition chez nous et c’est ce qu’on voulait.
Il se fait où le déclic durant ce parcours, c’est votre visite à la basilique de Yamoussoukro ?
Il y a de ça. Après, quand vous êtes quasiment mort parce que votre qualification ne dépend plus de vous et que vous ressuscitez parce qu’on vous donne une deuxième chance. Sincèrement, le déclic, il se fait là parce que vous vous dites : « Attends, on était au bord du précipice, on nous a repêchés, on n’a pas le droit de ne pas montrer un bon visage de notre équipe devant nos supporters. » Donc, ouais, le déclic, il a été surtout là. Après, il y a plein de petits trucs qui sont venus s’ajouter.
Racontez-nous votre lien avec ses joueurs puisque vous les avez transfigurés. Ce n’est peut-être pas que vous, mais en tout cas, on sent cette connexion, cette fusion, ils se sont tous surpassés pour vous.
Non, parce que moi je leur ai fait comprendre qu’on était 27. On était 27 joueurs, et même si je ne titularise pas les 27 parce que je ne peux qu’en titulariser que onze, tout le groupe est important, tous les joueurs sont importants et j’ai… On a accentué notre discours sur ça, avec le staff, parce qu’on s’est dit : « On peut commencer le match à 11, après on a le droit à cinq changements au moins ou six si on va en prolongation, et la victoire, elle peut venir du banc. » Donc, on a essayé de concerter tout le monde, de laisser tout le monde dans le coup, et ils ont tout de suite adhéré au projet. Après, le fait que, contre le Sénégal, on gagne grâce à l’entrée de Franck [Kessié], fait en sorte que le discours, il passe beaucoup plus facilement. Donc, oui, le discours, il a été celui-ci, on a essayé de concerner tout le monde, de remobiliser tout le monde, de donner la chance à tout le monde, et tout le monde a adhéré.
On n’arrive pas à sortir un joueur tellement il y a eu d’histoires dans cette équipe. Il y a deux revenants aujourd’hui, Simon Adingra et Sébastien Haller, qui étaient blessés avant le début de la compétition, qui sont décisifs, il y a des champions d’Afrique 2015, Serge Aurier et Max-Alain Gradel, qui sont là. Il y a un mix incroyable dans cette équipe.
Oui, il y a un mix incroyable entre la jeunesse, entre les joueurs d’expérience. De toute façon pour gagner une CAN à la maison, avec toute la pression qu’il y a autour, il te faut de la jeunesse parce qu’il faut ramener la fougue, mais il te faut aussi beaucoup d’expérience. Je tiens à souligner le travail important de Mika Seri [Jean-Michaël Seri], de Max Gradel, de Serge Aurier, de Willy Boly. Ils ont été énorme dans la gestion du groupe, ils nous ont aidés, nous, le staff à garder tout le monde concerné. Parfois, des discours, avec eux, ils passaient plus facilement parce qu’entre joueurs, c’est parfois plus facile. Donc, franchement, il faut vraiment saluer le travail de nos anciens et féliciter ces jeunes. Il y a Yahia Fofana, il y a Adingra, il y a Oumar Diakité, il y a Karim Konaté. Même ceux qui ont peu joué, ils ont apporté une fraîcheur à ce groupe qui a fait que, voilà, l’osmose a fait qu’on a pu soulever la coupe.
Une dernière question, à titre personnel. Vous avez arrêté votre carrière à 28 ans, est-ce que c’est le plus beau succès de votre vie de carrière, de joueur et d’entraîneur ?
En tant qu’entraineur, oui. Parce que c’est mon premier titre en tant qu’entraîneur, et celui-ci c’est énorme. Donc, oui, même en tant que joueur, c’est vrai que je n’ai pas gagné beaucoup de titres dans ma carrière, j’ai perdu beaucoup de finales et là, le fait, pour ma première finale en tant qu’entraineur, de la gagner à domicile, c’est énorme.
Merci beaucoup Émerse Faé. Vous allez fêter ça comment ?
On va fêter ça en famille déjà. Après, on va se reposer quand même un peu parce que ça a été éprouvant, ça a été long, mais on va fêter ça ce soir, on va vraiment profiter.