En France, la nouvelle loi immigration, adoptée dans la nuit de mardi à mercredi 20 décembre durcit les conditions de travail des personnes étrangères en France. La question de la régularisation des sans-papiers et de l’obtention des titres de séjour et permis de travail sont notamment en jeu dans certains métiers en tension. Un texte mal reçu chez certains dirigeants d’entreprise.
Dans les métiers en tension, comme l’hôtellerie, la restauration ou le bâtiment, des chefs d’entreprise s’inquiètent de la nouvelle loi immigration adoptée dans la nuit de mardi à mercredi. Désormais, les travailleurs sans papiers qui demandent leur régularisation devront prouver que sur les deux dernières années, ils ont travaillé au moins un an dans un métier en tension, contre huit mois aujourd’hui, avec une évaluation des dossiers au cas par cas. De quoi compliquer les démarches pour les demandeurs et provoquer l’inquiétude chez certains patrons.
Pierre Olivier Rushennstain, qui dirige la fédération des particuliers employeurs, se déclare préoccupé depuis le vote de l’Assemblée nationale. À commencer en raison de la traduction concrète du texte de loi, selon lequel les régularisations des travailleurs sans papiers se feront à la discrétion des préfets. « On éprouve une inquiétude sur la modalité d’application de cette loi. La loi renvoie à une appréciation discrétionnaire », soulève-t-il. Sous-entendu, la régularisation des dossiers ne sera plus faite selon une liste de critères objectifs.
Cela n’augure rien de bon pour son secteur, composé notamment de particuliers qui recrutent pour des travaux ménagers, de garde d’enfants, ou encore d’aide à une personne âgée ou en situation de handicap. Plus globalement, dans le secteur de l’aide à domicile, si le durcissement des conditions de vie (conditionnement des prestations sociales, délit de séjour irrégulier, quotas migratoires…) conduit à une réduction du nombre de travailleurs sans papiers, ce serait autant de complications pour leurs employeurs. « Ces personnes, leur vie quotidienne pourraient connaître un préjudice, si d’aventure, ils ne trouvaient pas de salariés », alerte Pierre Olivier Rushennstain, interrogé par Justine Fontaine du service économie de RFI.
Pourtant, les difficultés sont déjà énormes puisqu’il manque quelque 800 000 postes chez les aides à domicile. Et avec la population française qui vieillit, les besoins vont augmenter.
Ce manque de bras se heurte à une autre difficulté non résolue par la loi immigration, souligne Vanessa Edberg, avocate spécialiste en droit des migrants. En France, embaucher une personne en situation irrégulière constitue une infraction pénale. Mais « pour qu’une personne en situation irrégulière obtienne un titre de séjour, elle n’a d’autres choix que de demander le concours de son employeur pour qu’il demande une autorisation de travail auprès de la Direccte [Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, NDLR] pour pouvoir obtenir son titre de séjour. Donc il y a une espèce d’incohérence que cette loi n’est jamais venue régler. »
Le patronat voit également la loi d’un mauvais œil
Une situation qui frôle l’hypocrisie pour Saïd Hammouche, fondateur du groupe Mozaïk, à la fois cabinet de recrutement et fondation qui lutte contre les discriminations à l’embauche. Car au-delà du seul secteur de l’aide à domicile, cette loi intervient alors que le président de la République martèle l’importance de réindustrialiser le pays. « Le nombre d’emplois vacants dans l’industrie, c’est 60 000 recrutements par an, expose Saïd Hammouche au micro de Justine Fontaine. Ça va être multiplié par trois dans les cinq prochaines années. La France aura besoin de 100 000 à 200 000 étrangers, notamment, pour se réindustrialiser », insiste-t-il.
La main d’œuvre compétente est pourtant présente, le fondateur de Mozaïk en veut pour preuve que si « les gens qui sont aujourd’hui en poste et qui travaillent au noir ne faisaient pas leurs preuves, ça fait très longtemps qu’on les aurait licenciés, assure M. Hammouche. Aujourd’hui, ils sont sur des postes, car l’employeur a besoin d’eux. Le chef d’entreprise sait très bien que s’il devait se séparer de ces ressources, il serait probablement, dans certains secteurs, obligé de mettre la clé sous la porte. Je pense notamment à la restauration. »
Une vision partagée par le Medef. Par la voix de son patron Patrick Martin, le syndicat patronal a fait savoir son soutien aux opposants à la loi immigration, assurant que l’économie française aura « massivement » besoin de « main d’œuvre immigrée » dans les prochaines décennies.
(et avec AFP)