Depuis le lundi 18 décembre, 125 prévenus sont cités à comparaître à Bruxelles pour le procès Sky ECC, du nom du système de télécommunication mobile cryptée utilisée par un vaste réseau de trafiquants de drogue entre l’Amérique latine et l’Europe.
Le réseau a été démantelé lors d’un coup de filet européen coordonné entre autres par les polices néerlandaise, française et belge en mars 2021 et lors de perquisitions. Ce vaste réseau comportait notamment du cannabis et de la cocaïne. La drogue était acheminée dans des conteneurs en provenance respectivement d’Amérique du Sud et du Maroc, via les ports d’Anvers, Rotterdam, Hambourg et Le Havre, avant d’être écoulés sur tout le continent européen. Les faits poursuivis portent sur la période allant de janvier 2017 à novembre 2022.
Le cryptage des communications de Sky ECC avait toute la confiance des réseaux criminels et c’est ce qui a provoqué la chute de ce trafic de drogue, car les enquêteurs ont pu remonter toutes les filières dont celle que dirigeait Eridan Muñoz Guerrero. « Madame la présidente, j’ai joué, j’ai perdu », a ainsi déclaré lundi cet Albanais de 50 ans. « J’assume ce que j’ai fait, je confirme toutes mes déclarations à la police », a affirmé l’homme qui compte parmi la douzaine de personnes ciblés comme « dirigeant » présumé d’une organisation criminelle.
Dossier tentaculaire
Mais si ce dernier a reconnu avoir fait transiter vers le reste de l’Europe la cocaïne arrivée de Colombie en Belgique, il nie avoir eu des contacts avec les plus de 120 autres accusés de ce procès, rapporte notre bureau à Bruxelles. « On peut se rendre compte que dans ce type de dossier d’organisations criminelles, il y a plusieurs volets qui sont souvent compartimentés, explique maître Nathalie Gallant, avocate d’Eridan Muñoz Guerrero. Certains des prévenus qui comparaissent aujourd’hui ne se connaissent pas entre eux, mais il y a des points de convergence. Et c’est ce qui explique ce dossier tentaculaire. »
Mais pour l’avocat d’un autre accusé, un tel méga-procès peut être considéré comme artificiel. Pour lui, la plupart des accusés n’ont d’autre point commun que d’avoir utilisé le réseau Sky ECC. « Si on devait essayer de gérer tous les dossiers de trafic de stupéfiants en une seule fois, en essayant de trouver des liens parce qu’il y a eu un contact entre telle ou telle personne, on pourrait vite se retrouver à avoir de nombreux procès qui pourraient rassembler des centaines de personnes, estime Me Guillaume Lys. Mais je ne pense pas que ce soit la bonne manière de rendre la justice. Il faut que les dossiers soient scindés. Il faut justement qu’on essaie d’éviter de tomber dans les arcanes d’un show judiciaire. »
« La plus grande opération policière jamais entreprise »
Outre le réseau Sky ECC, il est également reproché aux prévenus d’avoir exploité ensemble des laboratoires de transformation de la cocaïne découverts sur le sol belge. Certains prévenus sont en fuite et seront jugés par défaut. D’autres doivent comparaître libres. La plupart sont en détention préventive en Belgique depuis leur arrestation.
Pour les autorités belges, ce dossier, surnommé « Encro », est celui de tous les superlatifs. Les 200 perquisitions menées simultanément en Belgique le 9 mars 2021 à la suite du décodage de Sky ECC ont été « la plus grande opération policière jamais entreprise » en Belgique, a rappelé le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt à la veille du procès. Il y a selon lui plus de 2 000 inculpés et près de 400 dossiers pour la seule province d’Anvers, celle du gigantesque port belge devenu la première porte d’entrée de la cocaïne en Europe.