Alors que la situation reste extrêmement tendue sur la ligne de front, la Commission européenne a recommandé, mercredi 8 novembre, l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne avec l’Ukraine, ainsi qu’avec la Moldavie. Une annonce très attendue par l’Ukraine et saluée par le président Volodymyr Zelensky.
Cette recommandation faite par la Commission européenne est plus que bienvenue au moment où l’Ukraine, en plus de résister à une agression extérieure qui met le pays économiquement et démographiquement à terre, a entamé un chantier de réformes qui est colossal et rapide, en vue d’une adhésion à l’Union européenne.
En réponse à cette recommandation, le président Zelensky a rappelé que l’histoire de l’Ukraine, et de toute l’Europe, prenait le bon chemin, vu de Kiev. Il a salué un « pas historique » entre l’Union européenne (UE) et l’Ukraine.
Ruslan Stefanchuk, le président du Parlement ukrainien, a parlé d’une reconnaissance longuement attendue du progrès ukrainien vers une accession à l’UE. Il a rappelé que l’évaluation des progrès réalisés s’est opérée sur des critères objectifs, ce qui est très important vu de Kiev devant le prix incommensurable payé par les Ukrainiens simplement pour vouloir se rapprocher de l’Europe. Les Ukrainiens ont donc à cœur que leurs efforts soient reconnus sur ces critères objectifs, précise notre correspondante à Kiev, Emmanuelle Chaze.
Alors pour que les négociations commencent, il y a sept conditions sur lesquelles l’Ukraine a travaillé. Sur ces sept conditions, quatre des critères nécessaires ont déjà été remplis. Ils concernent des réformes d’ordre législatif, sur l’appareil légal, les médias du pays et la lutte contre le blanchiment. Trois autres conditions sont encore à remplir : la lutte contre la corruption, la neutralisation des structures oligarchiques, et enfin, la protection des minorités dans le pays.
Pour l’Ukraine, c’est une reconnaissance de leur État
Alors, qu’est-ce que cette recommandation change concrètement pour l’Ukraine ? Pour Alexandra Goujon, maître de conférence à l’université de Bourgogne et spécialiste de l’Ukraine, on ne peut pas savoir exactement quelles vont être les répercussions dans le conflit lui-même :
« Par contre, on sait que le conflit est lié à une volonté de la Russie de dominer l’Ukraine, explique la maître de conférence. L’ouverture des négociations, c’est une nouvelle étape qui montre que l’Union européenne est attachée à l’indépendance de l’Ukraine et à l’État ukrainien. Donc pour les Ukrainiens, ce n’est pas simplement une étape de plus dans l’intégration européenne – c’est une chose –, mais c’est une reconnaissance de leur État et de la viabilité de leur État sur le long terme, une viabilité qui est remise en cause aujourd’hui par la Russie. »
Selon Alexandra Goujon, cela va donner une sorte de souffle. Le combat qui a commencé en 2014 avec la révolution de Maïdan trouve une concrétisation, « c’est-à-dire qu’on n’est pas seulement dans l’accord d’association, on va vers une intégration ».Maintenant, les dirigeants des 27 donneront à leur tour leur avis mi-décembre. Et ce sera le début de plusieurs années de négociations.
Quelles suites pour la candidature de l’Ukraine ?
La Commission européenne a recommandé ce mercredi d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine. Elle a d’ailleurs aussi recommandé la même chose pour la Moldavie et à terme pour la Bosnie-Herzégovine, ainsi que l’octroi du statut de candidat à la Géorgie. C’est une étape décrite comme historique par la présidente de la Commission européenne. Mais ce n’est qu’une étape, car ce sont les 27 gouvernements qui prendront la décision.
Les rapports de la Commission sur les progrès des pays candidats, et surtout de l’Ukraine, vont maintenant passer à la moulinette des 27 administrations nationales avant le sommet des chefs d’État et de gouvernement des 14 et 15 décembre prochain. Certains auront beaucoup à redire sur cette évaluation très attendue, car sur les sept critères initiaux formulés par la Commission européenne, trois ne sont pas encore complètement réalisés, à savoir la lutte contre la corruption et l’influence des oligarques, ainsi que le respect des minorités nationales.
Ce point spécifique, par exemple, pourrait poser un problème à la Hongrie, parce que Viktor Orban réclame haut et fort le respect de la minorité magyare de Ruthénie subcarpatique, en Ukraine occidentale. Mais il n’aura pas l’appui du Slovaque Robert Fico, en délicatesse avec la minorité magyare de son propre pays.
La Commission a prévu ces doutes des 27 et leur propose de mettre en place le « cadre » des négociations et d’attendre un prochain rapport, en mars, pour les ouvrir formellement – lors d’une « conférence intergouvernementale » avec l’Ukraine. Restera alors à tricoter le rapprochement ukrainien avec l’UE dans chacun des 35 chapitres qui rythment les négociations d’adhésion.