Saisie d’une requête du 02 mai 2017 enregistrée à son secrétariat le 03 mai 2017 sous le numéro 0786/118/REC, par laquelle Monsieur Amédéo Andrew ADOTEVI forme un recours « en invalidité de l’élection de Monsieur Patrice TALON aux fonctions de Président de la République… » la Cour se dit » incompétente pour prononcer la déchéance de Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON en sa qualité de Président de la République ». La décision.
DECISION DCC 17-140 DU 29 JUIN 2017
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 02 mai 2017 enregistrée à son secrétariat le 03 mai 2017 sous le numéro 0786/118/REC, par laquelle Monsieur AmédéoAndrew ADOTEVI forme un recours « en invalidité de l’élection de Monsieur Patrice TALON aux fonctions de Président de la République… »;
VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï MaîtreSimpliceComlan DATO en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
CONTENU DU RECOURS
Considérantque le requérant expose : « … Je suis un citoyen béninois, homme d’affaires et jouissant de l’intégralité de mes droits civiques. A ce titre, et en raison des déclarations de la doyenne d’âge de l’Assemblée nationale, Madame Rosine VIEYRA SOGLO, le mardi 04 avril 2017 lors de la plénière consacrée à l’examen du premier rapport de la Commission des lois sur le projet de révision de la Constitution, je sollicite qu’il vous plaise, d’invalider l’élection de Monsieur Patrice TALON aux fonctions de Président de la République du Bénin.
Mais avant de présenter les moyens au fond, il sied de déclarer la recevabilité de la présente requête.
I-Sur la recevabilité
Conformément à l’article 24 alinéa 1er de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, tout citoyen peut, par une lettre comportant ses nom, prénoms et adresse précise, saisir directement la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois.
C’est donc en tant que citoyen que j’exerce mon droit de recours. Le siège de la compétence de votre haute juridiction en la matière se trouve à l’article 66 de la Constitution qui dispose qu’ « En cas de coup d’Etat, de putsch, d’agression par des mercenaires ou de coup de force quelconque, tout membre d’un organe constitutionnel a le droit et le devoir de faire appel à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de coopération militaire ou de défense existants.
Dans ces circonstances, pour tout Béninois, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs. »
Au regard de tous ces éléments, et de tous autres que vous jugerez utile d’ajouter ou de suppléer, qu’il plaise à la Cour de déclarer recevable la présente requête. » ;
Considérant qu’il poursuit : « II-Présentation des moyens au fond.
Le mardi 04 avril 2017, à l’Assemblée nationale, lors de la plénière consacrée à l’examen du premier rapport de la Commission des lois sur le projet de révision de la Constitution, Madame Rosine VIEYRA SOGLO, doyenne d’âge de l’hémicycle, a déclaré à la face du monde que les députés ont pris de l’argent, donc ont été corrompus pour réviser notre Loi fondamentale. Quelques morceaux choisis de ces propos : « …Ne venez pas enterrer la vérité… Notre libre arbitre étant altéré par un achat massif de notre conscience,… je comprends que c’est ça qui prend le dessus… Les quelques millions que nous avons reçus ont eu le dessus sur le reste… Alors, taisons-nous, votons et n’en parlons plus…,car moi aussi j’ai reçu de l’argent. Oui, tout le monde. Vous n’allez pas me dire le contraire… ».
De ces propos, l’on retient clairement qu’une télécommande a corrompu les députés d’une sévérité remarquable. Une télécommande a donc tenté, à coup de millions, la révision de notre Loi fondamentale pour assouvir les intérêts purement personnels. La corruption étant un mal, qui est à l’antipode de la morale et de la probité, cette télécommande qui a orchestré cette messe de la corruption n’est plus digne de diriger notre pays le Bénin. Or, la seule personne à même d’orchestrer cette messe de la corruption pour la révision de notre Loi fondamentale en cette période, ne peut être que Monsieur Patrice TALON, lui-même qui a introduit au Parlement le projet de révision de la Constitution. L’article 44 de notre Loi fondamentale dispose… que : « Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République s’il : …n’est de bonne moralité et d’une grande probité… » Par cette dénonciation de Madame Rosine VIEYRA SOGLO, il apparaît clairement que Monsieur Patrice TALON ne bénéficie pas de ces qualités de bonne moralité et de grande probité. Il ne pouvait donc plus prétendre être candidat et,a fortiori, exercer les hautes fonctions de Président de la République. » ; qu’il ajoute : « De plus, Monsieur Patrice TALON, en altérant la conscience de plus de soixante députés à coup de millions, s’est rendu coupable d’organisateur en chef d’un coup de force contre la République. Il est donc dans la posture d’une autorité illégitime. » ; qu’il conclut : « …En se fondant sur l’article 66 de notre Constitution, l’auguste Cour … a donc le droit et le devoir de faire appel à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle.
Pour toutes ces raisons, Monsieur Patrice TALON doit être déclaré inéligible pour l’élection présidentielle de 2016 et déchu de son titre de Président de la République. » ; qu’il demande : « … d’invalider l’élection de Monsieur Patrice TALON aux fonctions de Président de la République du Bénin… » ;
ANALYSE DU RECOURS
Considérantque le requérant demande à la Cour d’invalider l’élection de Monsieur Patrice TALON aux fonctions de Président de la République et de prononcer sa déchéance motif pris de ce qu’il aurait corrompu les députés en vue d’obtenir d’eux la révision de la Constitution ; que de ce fait, il aurait non seulement porté atteinte à sa probité et à son intégrité morale, mais aussi se serait rendu coupable d’organiser un coup d’Etat ou de force en violation des articles 44 et 66 de la Constitution ;
Sur l’invalidation de l’élection de Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON, Président de la République.
Considérantqu’aux termes de l’article 44 de la Constitution : « Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République s’il :
-n’est de nationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins dix ans ;
-n’est de bonne moralité et d’une grande probité
-ne jouit de tous ses droits civils et politiques ;
-n’est âgé de 40 ans au moins et 70 ans au plus à la date de dépôt de sa candidature ;
-ne réside sur le territoire de la République du Bénin au moment des élections ;
-Ne jouit d’un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins assermentés désignés par la Cour constitutionnelle. » ;
Considérantque par sa décision EP 16-005 du 30 janvier 2016, la Cour a déclaré recevable la candidature à l’élection présidentielle du 28 février 2016 de Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON ; qu’il en résulte qu’il y a autorité de chose jugée en vertu de l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution aux termes duquel « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles » ; que dès lors, la demande d’invalidation sollicitée par Monsieur Amédéo Andrew ADOTEVI doit être déclarée irrecevable ;
Sur la déchéance de Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON, Président de la République.
Considérant que les articles 66, 73 et 78 de la Constitution disposent respectivement : « En cas de coup d’Etat, de putsch, d’agression par des mercenaires ou de coup de force quelconque, tout membre d’un organe constitutionnel a le droit et le devoir de faire appel à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de coopération militaire ou de défense existants.
Dans ces circonstances, pour tout Béninois, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs » ; « La responsabilité personnelle du Président de la République est engagée en cas de haute trahison, d’outrage à l’Assemblée, et ou d’atteinte à l’honneur et à la probité » ; « Les faits prévus aux articles 74 à 77 seront poursuivis et punis selon les dispositions des articles 136 à 138 de la présente Constitution » ;
Considérantqu’il résulte de l’analyse du dossier qu’il n’est pas établi que Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON, Président de la République, est l’auteur de la corruption alléguée ; qu’aucune preuve n’est non plus versée au dossier attestant de ce que ce dernier a organisé un coup d’Etat ou de force au sens de l’article 66 précité de la Constitution ; qu’au demeurant, la Cour est incompétente pour prononcer la déchéance du Président de la République en raison de faits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, l’intéressé ne pouvant être destitué le cas échéant qu’en application des articles 73 et 78 précités de la Constitution ; que dès lors, il échet pour la Cour de dire et juger qu’elle est incompétente pour prononcer la déchéance de Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON pris en sa qualité de Président de la République ;
D E C I D E
Article 1er.-La demande d’invalidation sollicitée par Monsieur Amédéo Andrew ADOTEVI est irrecevable.
Article 2 .–La Cour est incompétente pour prononcer la déchéance de Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON en sa qualité de Président de la République.
Article 3.- La présente décision sera notifiée à Monsieur Amédéo Andrew ADOTEVI et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt-neuf juin deux mille dix-sept,
Messieurs Théodore HOLO Président
Simplice C. DATO Membre
Bernard D. DEGBOE Membre
Madame Marcelline-C GBEHA AFOUDA Membre
Monsieur Akibou IBRAHIM G. Membre
Madame Lamatou NASSIROU Membre.
Le Rapporteur, Le Président,
SimpliceComlanDATO.- Professeur Théodore HOLO.-