Le pape François entame ce vendredi une visite de deux jours à Marseille où il assistera aux « rencontres méditerranéennes », une série d’échanges autour des défis de la Méditerranée. Il s’entretiendra ensuite avec le président Emmanuel Macron avant de clore son voyage par une grande messe au stade Vélodrome. Mais ce 44e voyage apostolique pourrait bien être l’un des derniers du souverain pontife, âgé de bientôt 87 ans. Se pose alors la question de sa succession et de l’héritage qu’il va laisser au sein d’une Église catholique clivée.
Depuis le début de son pontificat il y a dix ans, le pape François a initié un ambitieux projet d’ouverture et de modernisation de l’Église catholique. Jorge Mario Bergoglio, de son vrai nom, incarne d’ailleurs lui-même la nouveauté : il est le premier pape jésuite, et le premier aussi, originaire d’Amérique latine. François est Argentin et aussi fils d’immigrés. « Il a une double identité. Il est premièrement Européen par ses parents qui sont Italiens. Il a ensuite fait des études en Europe. Et puis deuxièmement, il a une identité latino-américaine », souligne Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS et co-auteur avec le pape François de Politique et société, aux éditions de l’Observatoire. « La Méditerranée fait donc partie de son histoire ».
C’est justement là qu’est attendu François, à Marseille. La ville n’a pas été choisie au hasard, car elle incarne un carrefour des religions et un lieu de migrations : deux sujets chers au souverain pontife, comme l’explique Dominique Wolton : « Marseille est une ville multiculturelle et multireligieuse. Elle illustre donc exactement ce qui l’intéresse, c’est-à-dire essayer d’arriver à ce que la paix s’installe en Méditerranée ».
Un pape « ouvert et moderne »
Depuis sa prise de fonctions au Vatican en 2013, François prône une Église plus ouverte sur le monde et ancrée dans son époque. En témoignent ses voyages dans des pays considérés comme périphériques ou le choix de ses priorités. Il s’est notamment intéressé à l’écologie, au mariage des prêtres ou encore à la place des femmes dans l’Église.
Pour le chercheur Dominique Wolton, il est même le « premier pape de la mondialisation, le premier à avoir directement pris le monde comme échelle. » Le pape argentin se veut aussi engagé en faveur des inégalités. « Pour lui, la plus grande trahison des valeurs chrétiennes est la posture de l’Europe et son comportement par rapport aux migrants. C’est peut-être l’une des choses qui restera le plus de son pontificat, c’est-à-dire essayer de réveiller les pays riches pour mettre fin à ces milliers de morts en Méditerranée », relève Dominique Wolton.
Un projet ambitieux encore non abouti, mais qui doit plutôt être vu comme une graine semée par le souverain pontife. C’est en tout cas l’interprétation de Piero Schiavazzi, journaliste vaticaniste et universitaire italien : « François n’a jamais pensé, à mon avis, pouvoir atteindre les objectifs qu’il s’était fixé. Mais il a plutôt entamé un processus irréversible. Nous sommes au début d’une saison de réformes dans l’Église, bien qu’il faudra du temps ».
Le pape espère alors voir son successeur poursuivre ce mouvement. « Il aimerait que le chemin continue à s’ouvrir », explique le journaliste François Vayne, basé en Italie, qui officie également dans la communication d’institutions religieuses. « Il aimerait voir une unité des chrétiens, un dialogue avec les autres religions, une ouverture de l’Église aux plus pauvres… Et il est sûr que le cardinal qui sera élu pape ira dans ce sens. »
François ciblé par les conservateurs
Mais l’Église catholique est clivée. François est régulièrement attaqué en interne par la frange conservatrice qui freine l’ouverture. « Ce n’est pas un mouvement facile », pointe François Vayne. Pour autant, cela ne veut pas dire selon le journaliste « que les opposants sont ses ennemis ». Il évoque la « peur » de certaines figures catholiques « qui craignent que l’Église perde son essence, sa doctrine ».
Il y a deux ans, le pape François a lancé un synode. Cet espace de réflexion est l’occasion d’évoquer les changements à venir dans l’Église catholique. Ce vaste chantier doit s’achever l’année prochaine et dessinera les contours du catholicisme post-François.
RFI