John Fru Ndi, l’opposant historique de Paul Biya au Cameroun, est mort ce 12 juin 2023. Le « chairman », comme on l’appelait, est décédé à 81 ans des suites d’une longue maladie. En 1990, il avait fondé le parti Social Democratic Front (SDF) et avait failli gagner la présidentielle de 1992. Au lendemain de sa disparition, les hommages se multiplient dans son pays. Réactions.
Le député national Joshua Osih est le premier vice-président du SDF. Il a défendu les couleurs du parti à la présidentielle de 2018. Il réagit à la mort du père fondateur de son parti, au micro de Christophe Boisbouvier : « C’était quelqu’un de jovial, quelqu’un d’ouvert, qui aimait le contact, qui était un grand patriote qui aimait sincèrement le Cameroun. Il l’a d’ailleurs démontré à deux reprises. La première, c’est quand il aurait pu, après les élections de 1992, aller vers une guerre civile. Tout le monde l’y poussait, y compris les cadres du SDF. Des gouvernements, comme celui de Sani Abacha au Nigeria voulaient absolument que le Cameroun bascule vers une guerre civile. Et il a dit qu’il ne gouvernera pas le Cameroun sur le sang des Camerounais. Et la deuxième fois, c’est quand la sécession armée a démarré, ils ont voulu que le SDF soit la branche politique de cette sécession, ce qu’il avait fermement refusé. Et ça nous a valu toutes les attaques sur sa personne. »
Joshua Osih conclut : « Il a été enlevé deux fois par ces sécessionnistes et nous pensons que c’est ce qui a peut-être précipité son dessin. Donc naturellement je suis très triste, je suis affligé même et j’essaye de remonter et de trouver nos courages pour affronter la situation. »
« C’était quelqu’un avec un charisme extraordinaire »
L’avocat Akere Muna connaissait le « chairman » du Social Democratic Front (SDF) depuis une soixantaine d’année. En 1990, avec son frère Bernard Muna, Akere Muna a participé à Bamenda à la rédaction des statuts du SDF. « Ce qu’il faudrait relever dans le contexte actuel aujourd’hui, quand on nous parle d’anglophones, francophones, quand vous voyez le score de Fru Ndi en 1992 lors des présidentielles, c’est qu’il a eu plus de 30% pour un pays qui avait 20% d’anglophones, souligne-t-il. Donc le pays, de façon assez extraordinaire, a voté pour un anglophone, unilingue ».
Akere Muna poursuit : « C’était quelqu’un avec un charisme extraordinaire. Quelqu’un de simple, l’homme du peuple, il pouvait comprendre où sont les routes, les mauvaises routes, où vivent les gens. L’histoire du Cameroun ne peut pas s’écrire sans son nom, comme quelqu’un qui a activement fait redémarrer le multipartisme. »
Grégoire Owona, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Secrétaire général adjoint du Comité central du RDPC, le parti du président Paul Biya, majoritaire au pouvoir, a également salué la mémoire du défunt, au micro d’Amélie Tulet : « Au-delà de nos oppositions politiques, il aura été un grand patriote et un homme très pacifique qui aura contribué, à sa manière, à la construction de notre jeune démocratie. Je voudrais vraiment lui rendre hommage parce qu’il a toujours été contre la violence et il a cru à la force des arguments beaucoup plus qu’aux arguments de la force pour accéder au pouvoir. »