Ce qu’en pensent les présidents des institutions

Politique

Après la rencontre périodique des présidents des institutions de la république ce vendredi 23 août dernier, le Professeur Théodore HOLO, Président de la Cour constitutionnelle et porte-parole s’est prêté aux question de la presse. Il livre ici le contenu des conclusions de leurs discussions. Lire l’intégralité de sa déclaration.

« Nous nous retrouvons essentiellement pour évoquer les problèmes qui interpellent la nation. Et du tour d’horizon que nous avons eu à faire avec les membres du gouvernement, et compte tenu de nos propres expériences, des informations que nous avons échangées, il est évident que nous observons aujourd’hui dans notre pays un déficit de communication. Il y a des choses positives qui se font au regard des informations qui nous sont fournies et par le gouvernement et par les organisations internationales, les statistiques qui nous sont également fournies, que le Bénin est sur la bonne voie.

Évidemment ces informations ne sont pas malheureusement connues de l’ensemble et on a l’impression, à écouter les uns et les autres, que le Bénin n’avance pas. Il est donc utile que se développe la communication parce que quelles que soient nos positions, nous avons une préoccupation commune : c’est le développement de notre pays. Et ce développement ne peut se faire que s’il y a la paix. Et les conditions de la paix s’organisent à travers les concertations qui doivent être à mon avis périodiques. Nous, nous le faisons au niveau des institutions. Nous souhaitons qu’au niveau de notre pays, nous puissions créer les conditions de cette concertation.
Comme vous le savez, la presse en fait souvent l’écho : il y a un débat qui se mène aujourd’hui sur la révision de la constitution.

Les présidents des institutions ne peuvent pas se rencontrer sans évoquer naturellement la question ; ce qui a été fait. Malgré ma position de Président de la Cour Constitutionnelle soumis à une obligation de réserve puisque appelée à me prononcer peut être en tant que juridiction sur la question, je me dois de rendre compte de la tendance générale qui n’est pas l’expression d’un individu mais qui est l’expression d’une concertation. Il est évident que dans le projet de loi tel que nous en avons pris connaissance, projet de loi portant révision de la constitution, il y a des éléments positifs qui contribuent au renforcement du processus démocratique, ne serait-ce que par rapport à la question de l’imprescriptibilité des crimes économiques, ne serait-ce que par rapport à l’exigence de la création d’une Cour de Comptes qui est une directive de l’UEMOA, ne serait-ce que par la professionnalisation de la Commission Électorale Nationale Autonome qui doit être le garant de la qualité des élections qui sont organisées au Bénin. Parce que nous savons, vu l’expérience des pays de la sous région que des élections mal organisées sont sources souvent de tensions et de violences déstabilisatrices de la stabilité politique.

Nous avons observé que dans le projet qui est envoyé à l’Assemblée, des propositions pertinentes ont été faites à ce niveau. Mais je me dois de rappeler que les Présidents des Institutions ont observé également que depuis 2007, la Cour Constitutionnelle a rappelé dans une de ces décisions que toute réforme, toute révision de la constitution doit se faire en essayant comme nous l’avons fait à la conférence nationale d’avoir le consensus ; comment travailler pour que ce consensus soit réalisé. Je pense que les différents membres des institutions présentes à cette rencontre vont continuer à réfléchir sur la question pour que dans le débat qui se mène, nous créons les conditions pour que ce consensus puisse être réalisé. D’abord il faut que la population puisse s’approprier les éléments du projet de loi qui a été envoyé à l’Assemblée Nationale. Je pense que la question doit être également discutée dans le cadre du processus d’élaboration ou d’adoption des lois au niveau de l’Assemblée Nationale.

Le peuple ne peut pas être indifférent ou ignorant de ce qui se fera dans le cadre de l’adoption de toute question relative à la réforme ou à la révision de la constitution comme nous l’avons eu à le faire en 1999 où il est question d’adopter la constitution de 1990 ; il a fallu que le peuple s’en approprie, ce qui fait qu’aujourd’hui, le peuple est le meilleur garant de la mise en œuvre ou du respect de l’ordre constitutionnel. Déjà pendant la période révolutionnaire, nous avons pris l’habitude de la popularisation des projets de lois portant révision ou portant adoption de la constitution. Si ce travail est fait, seul béninois se sentira concerner par le compte tenu de la constitution et sera prêt à le défendre, ce qui donne une garantie pour la préservation de l’ordre constitutionnel. Il faut travailler à ce que cette condition ne soit réalisée et je pense que les différents acteurs sont convaincus de la nécessité de ce débat. Ce débat suppose que nous soyons prêts à faire les compromis et les concessions utiles. Cela suppose que nous sachions de quoi il s’agit.

Et j’ai eu le plaisir de savoir qu’au niveau déjà des maires, un travail d’appropriation à été fait. Au niveau également des députés un travail a été fait. Il y a aussi les acteurs politiques ; il y a aussi les organisations de la société civile qui ont besoin de s’approprier les éléments de ce projet de révision pour que si le débat doit se faire, que cela se fasse dans un esprit apaisé ; que chacun sache de quoi il s’agit et que nous comprenions que ce qui est fait va dans le sens de la consolidation des acquis démocratiques. Ces questions ont été abordées donc par les Présidents des Institutions et voilà la tendance qui se dégage, qui est le reflet de la position de la concertation.

Mais vous savez que nous acteurs de la Cour Constitutionnelle, nous avons naturellement une obligation de réserve. Mais nous n’en demeurons pas moins des citoyens attentifs à la création des conditions d’une démocratie apaisée.
Je crois que la question également de la vie sociale a été abordée et les questions spécifiques à chaque institution pour qu’elle ait les moyens de réaliser ou de mettre en œuvre les prérogatives qui sont les siennes. Ces questions ont été abordées.
Nous sommes aussi en période budgétaire et la question du budget qui doit prendre en compte les préoccupations de la société, même si le budget doit être voté par l’Assemblée Nationale. Cette question a fait l’objet également de concertation. Et nous étions en quête d’informations pour savoir ce qui peut être fait pour que chaque béninois se retrouve également dans le projet de budget afin que les efforts qui sont réalisés par le gouvernement puissent en profiter à tout le monde et que nous vivions dans un pays de prospérité partagée.

Il y a eu des concertations au niveau d’abord des députés aussi bien de la majorité que de l’opposition. Il y a eu des tournées à l’intérieur du pays pour pouvoir sensibiliser l’opinion publique sur la question. L’Assemblée Nationale a également envoyé le projet aux maires pour recueillir leurs préoccupations. Et je pense que dans le processus d’élaboration de la loi, les commissions compétentes au niveau de l’Assemblée ont l’opportunité d’écouter les différentes composantes de notre société qui sont concernées. Si vous souvenez pour le droit de grève par exemple, les parlementaires ont écouté les syndicalistes, ont écouté aussi d’autres personnalités. Il y a donc une procédure qui sera respectée.

L’Assemblée est responsable de cette démarche ; mais la Cour Constitutionnelle ne peut pas intervenir dans ce travail de popularisation encore moins la Cour Suprême et la Haute Cour de Justice. Mais naturellement la Cour Constitutionnelle doit tenir compte également de l’effort réalisé en matière de recherche de consensus pour être conforme à sa jurisprudence 2007. Donc chaque Institution membre de la concertation accomplira sa mission en tenant compte de ses prérogatives pour ne pas être en rupture avec notre constitution. Donc je ne peux pas vous dire voilà ce que chaque Institution doit faire ; il appartient à chaque Institution de mettre en œuvre sa mission dans le respect de l’ordre constitutionnel de notre pays.

Question : D’accord. Alors sur la santé de notre pays vous avez dit tout à l’heure que selon les institutions internationales et les informations du gouvernement, le Bénin se porte bien. Mais est ce que vous consultez les syndicalistes et mieux la société civile pour recueillir leur avis ?

Vous savez je suis un citoyen et je ne discute que sur la base d’éléments concrets. J’ai eu connaissance des statistiques de la Banque Mondiale, j’ai eu accès aux informations de l’UEMOA qui font le classement des pays au sein de l’UEMOA. Je pense que et vous êtes au courant puisque certains journaux en ont rendu compte, sur les huit membres de l’UEMOA, le Bénin est quand même en troisième position après la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Vous savez également qu’au niveau des Objectifs du Millénaire pour le Développement, le pays fait partie des neuf pays qui sont assurés d’atteindre ces objectifs en 2015.

Je pense que les statistiques prouvent également que le Bénin, le Rwanda et neuf autres pays ont fait l’effort pour la réduction de la pauvreté, les statistiques prouvent que le revenu par tête d’habitant au Bénin en 2006 est de 400 dollards, qu’en 2011/2012 nous nous retrouvons à 800 dollards. Ce sont des chiffres qui ne mentent pas et par conséquent je n’ai pas besoin de dire que je vais consulter les syndicalistes ; je veux entendre les données de ceux qui sont nos partenaires qui apprécient nos efforts. Que vous me disiez comment cette richesse est repartie, c’est une autre question dont je ne débattrai pas avec vous parce que cela m’amènera à sortir de mon obligation de réserve pour rentrer dans la politique au quotidien. Je travaille sur les chiffres parce que les chiffres ne trahissent pas ma réserve en tant que Président de juridiction.

Mais ces chiffres ne mentent pas pour le moment à moins qu’on nous dise que la Banque mondiale, que l’UEMOA se soient trompées, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Est-ce que chaque Béninois vit au quotidien ce changement ? Je prends mon cas en tant qu’enseignant du supérieur ; le salaire que j’ai en 2006 n’est pas le salaire que j’ai en 2013. Et de façon générale quand je prends les enseignants, ils n’ont pas le même salaire en 2006 qu’aujourd’hui. Ce qui veut dire que, quand je prends mon cas personnel, il y a un effort de redistribution. Mais ce n’est pas le débat que je vais mener puisque cela ne participe pas du travail que nous avons eu à faire au niveau des Présidents des Institutions.