« Il me plaît à l’entame de mon propos, de rappeler qu’une loi a pour vocation d’énoncer des règles, et les principes de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi imposent au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules sans équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre les interprétations contraires à la constitution ou contre le risque d’arbitraire.
Nous avons souvent fait le procès à la qualité de la loi sans vraiment nous remettre en cause pour nos interprétations parfois fantaisistes, souvent partisanes et teintées d’émotion voire de passion. Et comme si cela ne suffisait pas, nous devons pouvoir faire avec une insécurité juridique ambiante et une volatilité des jurisprudences désormais taillées sur mesure.
Dans un contexte général de réforme où de nouveaux éléments ont été apportés à notre ordonnancement juridique, tout interprète sérieux et objectif, devrait pouvoir rechercher en toute disposition nouvelle, sa particularité, son caractère révolutionnaire mais aussi son champ d’application réel.
En disposant dans son *article 92 nouveau que tout député nommé à une fonction publique, nationale ou appelé à une mission nationale ou internationale, incompatible avec l’exercice de son mandat parlementaire, suspend d’office celui-ci et que sa suppléance cesse à sa demande.*.., le législateur constitutionnel ( constituant institué) du 7 novembre 2019, a voulu créer une catégorie spéciale de suppléance qui n’a rien en commun avec les anciennes formules en la matière.
En effet, il s’agit pour le nouvel élu appelé à une nouvelle fonction ou confirmé dans sa fonction antérieure par voie administrative à travers un acte normatif effectif* de répondre à ses nouvelles charges sans pour autant définitivement perdre son siège au profit de son suppléant. Ainsi, il pourra au terme de cette mission récupérer son siège en faisant cesser sa suppléance.
Toutefois une nuance s’impose quant à la chronologie des actes dans ce contexte. *Seul le néo parlementaire convié à travers un acte règlementaire postérieur à son élection, pourrait prétendre recourir aux dispositions de l’article 92 de la constitution* ( reprises in extenso par les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 149 du code électoral).
*Le débat qui fait aujourd’hui couler larmes et salive n’est pas celui d’un député élu et appelé à une nouvelle fonction tel que décrit supra.*
Il s’agit dans le cas d’espèce d’un ministre en exercice qui s’est fait élire en toute conscience député et qui s’est rétracté sur le fondement des dispositions relatives aux incompatibilités traditionnelles.
Autrement dit, *l’ex ministre M. Hêhomey, avait démissionné en raison d’un cumul de fonctions incompatibles tel que décrit par les dispositions de l’article 159 du code électoral* qui précisent que les fonctions de membres du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire sous réserve du délai de trente jours précisé par l’article 166.
Cette dernière disposition précise que sous réserve des dispositions des articles précédents, le député qui, lors de son élection, se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité visés au présent titre, est tenu d’établir dans les trente jours qui suivent son entrée en fonction ou sa validation, qu’il s’est démis de ses fonctions incompatibles avec son mandat. À défaut, il est déclaré démissionnaire d’office de son mandat. Signalons que c’est sur le fondement de ces dispositions ( et en l’absence des dispositions de l’article 92 nouveau) que les ministres Abdoulaye Bio TCHANE, Oswald HOMEKY, Jean Michel ABIMBOLA s’étaient retirés du parlement pour laisser siéger leurs différents suppléants.
*En clair, et il faut le rappeler, c’est sur le fondement juridique de ces deux précédents textes relatifs aux incompatibilités que le ministre HÊHOMEY avait démissionné et cette démission est irrévocable et ne donne droit à aucun retour au parlement. Cette démission n’étant pas intervenue dans le contexte d’application de l’article 92 nouveau de la constitution ni de l’article 149 alinéa 2 du code électoral.
Notre modeste contribution »
Franck OKE