(Vive réaction chinoise aux positions adoptées en Occident sur son réseau social TikTok)
Sale temps pour TikTok. Après le Canada, le Parlement européen, à son tour, a banni l’application de la société chinoise ByteDance des appareils de ses personnels pour raisons de cybersécurité. Cette interdiction initiée aux États-Unis est vivement critiquée par la diplomatie chinoise, qui y voit un « abus de pouvoir » visant à « réprimer les entreprises d’autres pays ».
Une nouvelle commission du Congrès américain dédiée à la rivalité avec la Chine a tenu mardi 28 février sa première audition publique, les parlementaires soulignant la menace « existentielle » que constitue selon eux le parti au pouvoir à Pékin. Le début de cette enquête intervenait deux semaines après que les États-Unis ont abattu un ballon de surveillance chinois au large des côtes de la Caroline du Sud, rappelle Clea Broadhurst, du service international de RFI.
« Ce n’est pas un sympathique match de tennis », a dit en introduction le président, l’élu républicain Mike Gallagher, dont la commission se perçoit comme une force de lutte contre l’influence du géant asiatique, visant à tenir Pékin responsable des récentes infractions à la sécurité nationale. Elle doit, selon ses membres, travailler sur les nombreuses menaces posées par la puissance chinoise dans les domaines économique, technologique et militaire.
Un exemple, donc : le ciblage par le gouvernement américain de la populaire plateforme de médias sociaux TikTok. La commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants a annoncé lundi son intention de promouvoir une loi donnant au président le pouvoir d’interdire l’application chinoise aux États-Unis.
L’audition de mardi a été brièvement interrompue par une manifestante qui, depuis les bancs du public, s’est élevée avec un t-shirt « La Chine n’est pas notre ennemi ». Au moment où elle s’est fait expulser, un autre a crié que cette commission était une « démonstration de force ». « Ça n’a rien à voir avec la paix », a-t-il lancé, avant d’être lui-même mis dehors.
Washington voit des « ballons espions partout », ironise la presse à Pékin
Après le Canada, dans le sillage des États-Unis, le Parlement européen a donc, à son tour, rejeté l’application de la société chinoise ByteDance des appareils de ses personnels. Ces décisions sont qualifiées d’« anti-Chine » par les autorités du pays, rapporte notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. Ce serait le signe d’une « grande paranoïa » de l’Amérique, selon les médias d’État chinois.
Une « grande fureur », un « manque de confiance en soi », faisant que la première puissance verrait des « ballons espions partout », ironisait le China Daily dans son éditorial il y a deux jours. Thème filé mardi 28 février par la porte-parole de la diplomatie chinoise lors de son point de presse quotidien.
« Il est surprenant de constater qu’en tant que pays numéro un dans le monde, les États-Unis manquent à ce point de confiance et ont peur d’une application très populaire au sein de la jeunesse, a-t-elle dit. Nous nous opposons fermement à cette approche erronée de la partie américaine, consistant à abuser du concept de sécurité nationale pour réprimer les entreprises des autres pays. Le gouvernement américain devrait respecter les principes de l’économie de marché et la libre concurrence, et fournir un environnement ouvert, équitable et non discriminatoire vis-à-vis des entreprises étrangères qui veulent investir et travailler aux États-Unis. »
TikTok est utilisé par les deux tiers des adolescents aux États-Unis, mais Washington craint que la Chine n’emploie des moyens de pressions légaux et réglementaires pour contraindre la société mère chinoise ByteDance à fournir des données utilisateurs ou à diffuser des éléments de la propagande chinoise. Pour rappel, en Chine, Twitter, Facebook, YouTube et Instagram sont bloqués par la censure.
Avec RFI
TikTok : que va faire la France ?
En France, près de 10 millions de personnes utilisent TikTok, Et Paris n’a pas encore pris de mesures concernant l’application. Pas d’inquiétude officiellement au sommet de l’État. L’exécutif assure que les données sensibles des autorités sont bien protégées. C’est ce qu’explique Olivier Véran, porte-parole du gouvernement français.
« Qu’il s’agisse du président de la République ou des membres du gouvernement, nous disposons de téléphones professionnels qui, de toute façon, ne tolèrent pas l’installation de quelque application de type réseau social que ce soit, rappelle le ministre. Ensuite, dans le cas des ministères dits régaliens, notamment la Défense ou l’Intérieur, il a été déjà assuré que sur les téléphones d’usage professionnel des agents au niveau central, il ne puisse pas être installé d’applications, de réseau social, de type TikTok ou autre. »
Paris ne veut pas se précipiter. Le gouvernement veut d’abord obtenir des éléments tangibles avant de passer à l’action. La Cnil française, l’organisme chargé de veiller au respect de la vie privée en ligne, a demandé une enquête à son homologue irlandaise, là où la maison mère de TikTok est domiciliée fiscalement.
Et puis, le ministre délégué au Numérique va rencontrer prochainement les dirigeants « monde » de l’application chinoise pour leur demander des comptes. En particulier pour s’assurer que les données des utilisateurs européens sont traités par des serveurs situés en Europe. Mais sans attendre la décision du gouvernement, l’Assemblée nationale a pris les devants : une campagne de communication va être lancée pour alerter les députés sur les risques de sécurité posés par certaines applications, dont TikTok. Et une commission d’enquête au Sénat va se pencher sur TikTok.