Le pape François entame cette semaine son voyage apostolique en Afrique. Arrivé en République démocratique du Congo (RDC) ce mardi 31 janvier, le souverain pontife doit ensuite se rendre au Soudan du Sud vendredi. Son arrivée à Kinshasa est très attendue alors qu’il devait s’y rendre en juillet dernier ; son voyage avait été reporté pour des raisons de santé, selon le Vatican.
Les attentes sont très nombreuses dans ce pays de 110 millions d’habitants, dont plus de 40% sont catholiques – ce qui en fait le plus grand bassin de catholiques d’Afrique –, alors que se multiplient des églises évangéliques ou églises du réveil.
C’est aussi un pays riche en biodiversité et en minerais, notamment dans l’Est, qui suscite la convoitise de nombreux groupes armés, avec des tensions qui sont encore montées d’un cran ces derniers jours, surtout depuis un an avec de nouvelles offensives du M23, ce groupe armé accusé d’être soutenu par le Rwanda voisin.
« À côté des ressources naturelles comme la forêt, vous avez la question des énergies propres, qui demandent un certain nombre de minerais que la RDC possède, explique Henri Muhiya, directeur de la commission épiscopale pour les ressources naturelles de la Cenco. Vous avez le cobalt, le cuivre qui est dans le Sud-Est, au Katanga, mais vous avez aussi le lithium qui n’a pas commencé à être exploité. Quand vous allez plus au nord, là où il y a maintenant la guerre, vous avez le coltan, la cassitérite, mais vous avez aussi des terres rares, surtout là où se trouve maintenant le M23. Alors les gens se posent la question : est-ce qu’on va demander à la RDC de livrer ses ressources pendant que les populations congolaises sont en train de mourir de ces conflits ? Voilà un peu la situation que le pape trouve ici. On espère que son message peut interpeler les gouvernants du monde. »
Lors de son voyage prévu en juillet, le pape devait se rendre à Goma au Nord-Kivu, où le mouvement du M23 multiplie ses offensives. Pour des raisons de sécurité, cette étape a été supprimée ; une grande déception pour les populations de l’Est qui subissent les violences, mais François recevra une délégation d’une soixantaine de victimes et de déplacés et devrait lancer un appel à arrêter la guerre. Cette visite intervient aussi en année électorale, le pape pourrait plaider pour une bonne organisation des élections prévues en décembre.
Car l’Église catholique est très impliquée dans les droits sociaux et politiques, une longue tradition qui reste ancrée au sein de la Cenco, la Conférence épiscopale nationale du Congo.
Un message de paix et de réconciliation
C’est donc surtout un message de paix et de réconciliation qu’attendent les Congolais, comme le souligne Monseigneur Marcel Utembi, président de la Conférence épiscopale du Congo. « Le pape est toujours sensible à ce qu’il se passe dans la sous-région, mais particulièrement en RDC. En lançant des messages de compassion, de solidarité, au besoin même de dénonciation de tous ces crimes dans la région. Nous pensons que le pape, en pèlerin de la paix, aura certainement un message d’interpellation, de dénoncer le mal, les violences et appeler les différentes parties prenantes à s’entendre, à être plutôt artisans de paix. »
La situation économique est précaire pour la plupart des habitants de Kinshasa, surtout les jeunes que le pape va rencontrer jeudi matin au stade des Martyrs, ils espèrent que le message du pape aura un impact sur leurs gouvernants, comme André qui tient une échoppe dans la rue.
« La vie est difficile, dit-il, parce qu’auparavant ce n’était pas comme ça. Maintenant, on se bat pour survivre. J’ai arrêté l’université, je compte reprendre l’année prochaine. Je suis en train de m’organiser pour avoir de l’argent, parce qu’il faut de l’argent pour payer les frais d’université, les transports, à manger, il faut faire des calculs. Comme le pape vient pour nous aider, nous encourager, pour parler avec la jeunesse, on espère que sa visite va changer quelque chose. Ce qu’on veut, c’est des emplois. »
Miriam, enseignante, elle, y voit une visite de soutien pour les Congolais. « Le message du pape ? Un grand message de réconciliation, un message de paix, de réconfort, un message de tout finalement, parce que dans notre pays rien ne va. Comme ça, le pape vient nous soutenir. »
Le grand moment très attendu sera la messe à l’aéroport de Ndolo totalement réaménagé, où plus d’un million de personnes sont attendues.
Le poids considérable de l’Église en RDC
« Pour moi, elle représente l’unité, l’amour, la paix. Je suis catholique depuis que je suis petite, donc elle représente beaucoup. Tout mon parcours scolaire, la primaire, la maternelle. J’ai étudié dans des écoles catholiques. »
Devant l’église Sainte Anne à Kinshasa, dont les prêtres avaient mené des marches entre 2016 et 2018 contre le 3e mandat du président à Josep Kabila, Léana tient un stand où elle vend t-shirt et drapeaux à l’effigie du pape François. L’Église en RDC représente un poids considérable, comme le rappelle Luc-Roger Mbala qui s’apprête à assister à la messe en ce dimanche.
« L’Église catholique, c’est comme un État dans l’État et même pendant la rébellion, les prêtres ou les évêques peuvent passer dans les zones en conflit, les zones contrôlées par les rebelles. Et dans chaque coin du pays, vous trouvez une église, vous trouvez une école, vous trouvez un hôpital qui appartient à l’Église catholique et c’est grâce justement à l’Église catholique que l’État fonctionne encore parce que la plupart des hôpitaux, des écoles et même des centres de d’encadrement des enfants de rue, la plupart de ces structures sont gérées par l’Église catholique. »
L’Église catholique, depuis 1956 et le manifeste Conscience africaine avec à sa tête le prêtre, puis le cardinal Malula, a eu un rôle prépondérant dans les marches pour réclamer l’ouverture à la démocratie. En cette année électorale, la Cenco, la Conférence épiscopale du Congo, et le cardinal Fridolin Ambongo entendent bien peser sur le bon déroulement du scrutin en décembre.
RFI