C’est un des angles morts des négociations internationales en cours à Montréal à la COP15, jusqu’à lundi 19 décembre pour enrayer l’effondrement de la biodiversité : la destruction des écosystèmes favorise l’émergence et l’expansion des zoonoses, ces maladies qui passent des animaux vers les humains, comme Ebola ou le Covid-19, selon l’une des hypothèses de son origine. Mieux protéger les plantes, les animaux et leurs milieux naturels est pourtant une mesure nécessaire pour réduire le risque de pandémies à l’avenir.
Quand l’homme déforeste et transforme des espaces naturels pour y cultiver, il réduit le territoire des animaux sauvages. Il réduit par conséquent leur accès à ce qui les nourrit, les protège, et cela leur cause du stress, explique Nicole Redvers, autochtone Deninu K’ué et spécialiste en santé planétaire au Canada :
« C’est comme pour nous les humains, quand ils sont stressés ils développent plus facilement des maladies. C’est pour ça que plus nous coupons la forêt – ce qui signifie une perte de biodiversité – plus grand est le risque que des maladies qui passent des animaux aux humains provoquent une prochaine pandémie. »
En détruisant les espaces naturels, nos contacts avec la vie sauvage augmentent. Le commerce de viande sauvage, lorsqu’il dépasse l’échelle des pratiques ancestrales, est un autre facteur de transfert de pathogènes.
C’est vrai dans les forêts tropicales africaines, par exemple. Mais malheureusement, nous n’avons pas assez d’études scientifiques sur ces zones, déplore la chercheuse : « À cause des inégalités structurelles qui existent au sein du système mondial de santé, peu de ressources sont dédiées à l’Afrique sur ce sujet. Ce n’est que quand ces maladies ont commencé à affecter les pays occidentaux qu’il y a eu plus d’intérêt pour cette question. »Préserver les grands réservoirs de biodiversité de la planète, c’est donc aussi investir en faveur de notre propre santé.
Un accord possible, avec la question des dons du Nord vers le Sud en suspens
Un vent d’espoir soufflait sur la COP15 ce samedi à Montréal. La présidence chinoise s’est dite confiante d’obtenir un accord pour enrayer la destruction du vivant. En attente d’un premier brouillon d’accord ce dimanche, la RDC a redonné de la voix au nom des pays africains autour d’une des questions clés qui restent encore à dénouer : les financements que les pays développés enverront vers ceux en voie de développement pour aider ces derniers à protéger de plus larges pans de leurs territoires.
Pour la vice-première ministre et ministre de l’environnement de la République démocratique du Congo Eve Bazaiba, la création d’un fonds spécifique à la biodiversité est indispensable :
La perte de la biodiversité et le danger de la surpêche frappent d’ores et déjà le Sénégal
Pendant que la COP15 sur la biodiversité se poursuit à Montréal, la surpêche qui menace le Sénégal illustre les enjeux des décisions. La pêche représente le premier secteur d’exportation du pays, qui bénéficie d’eaux très poissonneuses, et fait vivre plus de 600 000 personnes. Mais le secteur et la biodiversité sont menacés par la surpêche et les usines de farines de poisson destinées à l’export. Greenpeace monte au créneau contre ces installations.
Avec plus de 700 km de côtes, le Sénégal est le deuxième producteur de poissons en Afrique de l’Ouest et près de 20 % de la population vit de la pêche selon les autorités sénégalaises. Mais le secteur de la pêche artisanale et la biodiversité sont menacés, d’abord par les chalutiers étrangers – chinois en première ligne – qui draguent les fonds marins et épuisent les stocks de poissons.
Les pêcheurs et les transformatrices de poissons en voient déjà l’impact et peuvent rester des mois sans travailler. Anta Diouf représente des femmes transformatrices à Mbour : « Il y a des espèces que nous ne voyons plus ou qui se font rares, comme la sardinelle ou les petits pélagiques, qui sont les principales espèces que nous transformons. Leur rareté est peut-être due à une mauvaise gestion de la pêche, mais aussi à une pêche intensive »
Autre danger : l’arrivée d’usines de farines et huiles de poissons sur la côte sénégalaise. Des produits qui ne bénéficient pas à la population sénégalaise. Aliou Ba est responsable de la campagne Océans chez Greenpeace Afrique : « Le peu de poissons qui restait pour nourrir les Sénégalais est aujourd’hui détourné pour être transformé en farine et huile de poisson, qui sont destinés à nourrir des animaux en aquaculture en Europe et en Asie. Nous pensons qu’aujourd’hui ces usines n’ont pas lieu d’être en Afrique de l’Ouest. »
L’ONG demande la fermeture de ces usines de poissons. La FAO estime de son côté que le Sénégal pourrait connaître un déficit de l’offre de poisson d’environ 150 000 tonnes par an au cours des années 2020 à cause de ces installations.