Dans un climat particulièrement tendu, les évêques de France sont réunis en assemblée plénière, à Lourdes, depuis ce jeudi matin et jusqu’à mardi prochain. Après la révélation d’une nouvelle affaire sexuelle, les fidèles réclament à l’épiscopat plus de transparence.
Ce nouveau scandale a éclaté mi-octobre. Il concerne l’ancien évêque de Luçon et de Créteil que le Vatican a sanctionné pour des « abus spirituels ayant mené à du voyeurisme ». Dans les années 90, au cours de « strip-confessions », Mgr Michel Santier, alors prêtre dans la Manche, a demandé à deux hommes majeurs de se déshabiller. Le prélat a reconnu les faits. Deux autres évêques étaient au courant : Mgr Blanchet, son successeur à Créteil et par ailleurs vice-président de la Conférence des évêques de France, et l’archevêque de Paris, Mgr Aupetit, à qui les victimes se sont adressées en décembre 2019.
Mais s’ils ont fait remonter le scandale à Rome, ceux-ci se sont bien gardés d’en informer les fidèles. L’affaire a été révélée il y a un mois par le site Golias, puis l’hebdomadaire Famille chrétienne. Si Mgr Santier a démissionné en juin 2020, avec l’accord du pape, c’est à cause de ce scandale, et non pas en raison du Covid qu’il a attrapé et l’a affaibli, comme l’ont alors prétendu les responsables ecclésiastiques.
L’homme n’a quitté officiellement sa charge qu’en janvier 2021, et ce n’est qu’en octobre de la même année que Rome a prononcé à son encontre des sanctions disciplinaires. Sommé de « mener une vie de prière et de pénitence », Mgr Santier s’est retiré dans une communauté religieuse, en Normandie, où il exerce notamment la fonction d’aumônier, et où il peut encore célébrer des messes.
Rapport sur les abus sexuels dans l’Église
Ces sanctions ne passent pas auprès de certains catholiques. Car au même moment, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) rendait son rapport-choc estimant à 330 000 le nombre de victimes mineures de prêtres, religieux ou personnes en lien avec l’Église depuis 1950. À l’époque, l’institution avait réagi, promis de se réformer et d’indemniser les victimes. Ainsi, à Lourdes, en novembre 2021, l’épiscopat avait reconnu sa « responsabilité institutionnelle » ainsi que le caractère « systémique » de ces violences. Mais dans le même temps, l’Église protégeait donc à nouveau l’un des siens.
Silence, mensonge, minimisation des faits… En apparence, l’Église a compris ; dans les faits, rien n’a changé. Et cela continue. Il y a quelques jours, une affaire semblable a été révélée. Après la mort d’un prêtre de Versailles, ses paroissiens ont appris du diocèse que le Vatican l’avait sanctionné en décembre dernier pour avoir violé une jeune femme. Là encore, une sanction gardée secrète
L’affaire Santier, la trahison de trop
Sur les réseaux sociaux, certains catholiques, y compris des prêtres, laissent éclater leur colère. Un hashtag #SortonsLesPoubelles a fait son apparition. Emmenées par le collectif Agir pour notre église, ces personnes exigent une meilleure gestion des abus dans l’Église et surtout de la transparence. Ils invitent tous les fidèles à écrire à leurs évêques et ont organisé des rassemblements le week-end dernier devant des églises, à Notre-Dame à Paris, à Lyon ou bien encore à Angers.
Face à ce vent de révolte, l’Église catholique a été contrainte de réagir. Les évêques concernés demandent pardon, assurent les victimes de leur compassion, les invitent à parler. Le président de la Conférence des évêques de France, Mgr de Moulins-Beaufort, a, lui, publié un communiqué. « Nous devons réfléchir à des changements dans nos procédures, dans notre façon de les mener comme d’en communiquer les résultats », écrit-il. Il a également dû modifier le programme de l’assemblée plénière de la Conférence des évêques de France pour accorder plus de place à ce sujet. Des propositions de réformes seront ensuite transmises à Rome, assure-t-il.
Ces nouveaux scandales interviennent dans un contexte déjà compliqué pour l’Église. La question de l’indemnisation des victimes d’abus sexuels n’est toujours pas réglée. C’est beaucoup trop long, estiment certaines d’entre elles. Et les sommes allouées sont insuffisantes : pas plus de 60 000 euros par personne. Sur près de 1 500 dossiers reçus, seuls 75 ont été traités.