Il y a un mois que Mahsa Amini a été arrêtée à Téhéran. La police des mœurs reprochait à la jeune femme de ne pas porter correctement son voile. Son décès annoncé trois jours plus tard a déclenché une vague de protestations dans tout le pays. Le régime y répond avec force. Au moins 201 morts et des milliers d’arrestations ont été répertoriées, selonIran Human Rights, une organisation de défense des droits de l’homme basée en Norvège. Entretien avec son directeur, Mahmoud Amiry-Moghaddam.
RFI : Depuis le week-end dernier, la répression est particulièrement forte dans la province du Kurdistan iranien. Mercredi, l’un des appels à manifester à Téhéran était accompagné du mot d’ordre « soyez la voix de Sanandaj », la capitale provinciale. Quelles sont les nouvelles que vous avez de la région ?
Mahmoud Amiry-Moghaddam : L’Internet a été coupé dans de vastes régions du Kurdistan, notamment dans la ville de Sanandaj et des manifestations ont eu lieu. Les gens ont entendu des coups de feu tirés par des mitrailleuses et, bien sûr, nous sommes très inquiets. Il est très difficile d’obtenir des informations. Nous ne savons donc pas combien de personnes ont été tuées au cours des derniers jours. En général, la brutalité du régime iranien est encore plus marquée dans les régions avec des minorités ethniques – comme le Kurdistan et le Baloutchistan – et la plupart des violations des droits de l’homme qui se produisent en Iran sont beaucoup plus graves dans ces régions.
La façon dont les forces de l’ordre se sont comportées durant le « vendredi sanglant » (des affrontements ont éclaté à Zahedan, la capitale provinciale du Baloutchistan, lors de manifestations qui ont suivi le viol d’une jeune fille le 30 septembre. Selon Iran Human Rights, au moins 93 personnes ont été tuées, ndlr) doit faire l’objet d’une enquête. Car il semble que les autorités étaient prêtes. Dès le début de la manifestation, elles ont ouvert le feu sur les manifestants. Nous savons qu’il y a eu des arrestations par la suite. De nombreuses familles ont été menacées et le sont encore pour garder le silence.
Quelles sont les plus graves violations des droits de l’homme que vous ayez relevé en ce moment en Iran ?
La raison de toutes ces manifestations est que les autorités iraniennes ont privé le peuple iranien de ses droits humains fondamentaux et, lorsque ces personnes sortent dans la rue et réclament leurs droits humains fondamentaux, les autorités iraniennes répondent avec une grande violence. Les personnes arrêtées n’ont pas accès à un avocat. Nous ne savons pas quel est leur état de santé. Et puis elles sont contraintes de faire des aveux forcés à la télévision. Il ne s’agit pas seulement d’une violation des droits de l’homme : c’est également une violation de la constitution iranienne.
Vous publiez régulièrement de nouveaux chiffres de personnes tuées et de personnes arrêtées. Savez-vous à quel point ces chiffres peuvent être proches de la réalité ?
Il y a de nombreux obstacles dans la collecte d’informations. En partie à cause des restrictions d’Internet en Iran en ce moment et en partie à cause des menaces que subissent les familles. Vous savez, dans de nombreuses familles, on leur dit « on ne vous rendra le corps que si vous gardez le silence ». Elles sont sous pression. Cela rend la documentation et la collecte d’informations très difficiles pour nous. Je dirais donc que les chiffres que nous publions sont le minimum absolu.
Les restrictions sur Internet entraînent des retards dans le transfert des informations, ce qui nous empêche de confirmer les informations en temps voulu. On y parvient, mais avec un décalage. Mais un autre grand obstacle est bien sûr la sécurité des personnes. Vous savez, les gens sont menacés pour qu’ils ne fassent pas de vague, ne parlent pas de leurs enfants tués ou arrêtés. Enquêter sur les droits de l’homme en Iran est donc très risqué.
RFI