« Si personne ne peut remettre en cause les valeurs portées par la démocratie, on doit reconnaitre qu’il y a à dire par rapport au chemin emprunté pour approcher le mieux vivre des populations chez nous. Il suffit de suivre les échanges inter citoyens lors des campagnes électorales et de comprendre ce qui guide réellement le vote des électeurs. Il nous faut assez de courage et d’imagination pour dire que les voies empruntées depuis ne sont pas adaptées. Nos pays ont bien besoin de se réinventer avec tout le courage nécessaire pour se mettre sur la voie du développement afin de satisfaire les attentes des populations ». C’est ce que conseille le professeur François Adebayo Abiola, ancien vice-premier ministre du Bénin dans une tribune libre en date du 23 juin 2022. Lisez plutôt
Des indépendances à nos jours, le développement en Afrique subsaharienne est passé par bien de modèles et de méthodes. Déjà en 1962, René Dumont lance dans un contexte de décolonisation le livre « l’Afrique noire est mal partie » et y décrit les difficultés du continent africain à amorcer son développement (Dumont, 1962). Il conseillait que l’Afrique devait sérieusement repenser son école, ses cadres, ses institutions et la formation des militants pour des partis politiques de développement. Pour lui le rôle des responsables des partis au pouvoir en Afrique pour amorcer le développement devrait être immédiatement l’éducation civique et la création d’enthousiasme au travail pour avoir des idéalistes et des militants dévoués, et non ceux préoccupés par des prébendes ou d’occuper des postes prestigieux quoique cela puisse coûter à la République (Gbêgnito, 2016).
Prétextant que les régimes autocratiques étaient les mieux placés pour mobiliser et organiser les ressources en vue d’assurer le développement et l’unité nationale, la classe politique a généralisé en ces moments-là, la pratique de cette forme de gouvernement dans la plupart des pays africains. Malheureusement, ces régimes n’ont pas permis d’avoir les résultats escomptés.
La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 a conduit au paradigme autour de la démocratie. Profitant de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France qui s’est déroulée à La Baule du 19 au 21 juin 1990, le président François Mitterrand a prononcé un discours dans lequel il a invité les pays africains à prendre en compte ce concept.
Du 19 au 28 février 1990, le Bénin a organisé la conférence nationale des forces vives de la nation pour rentrer dans un contexte nouveau : celui du renouveau démocratique.
Dans ledit contexte, il a organisé :
- 7 élections présidentielles : 1991, 1996, 2001, 2006, 2011, 2016 et 2021 avec alternances au sommet de l’Etat ;
- 8 élections législatives : 1991, 1995, 1999, 2003, 2007, 2011, 2015 et 2019
Intervenant le 26 avril 2022 à Accra lors d’un atelier régional du réseau west africain pour la construction de la paix ( WANEP) sur les violences électorales, M. Mohamed Ibn Chambas déclare que le moment était venu pour se demander ce que les élections apportent réellement au mieux vivre des populations (Abiola, 2022).
Est-ce que c’est en réussissant des élections qu’on est en démocratie pour satisfaire les besoins fondamentaux des populations ? Et les participants de compléter avec d’autres questionnements : « Quelle est réellement la définition de la démocratie. Est-ce que c’est une démocratie à l’européenne qu’il faut à notre région dans le contexte social actuel ? Quelle nouvelle voie pour la gestion publique en Afrique pour mieux ‘’coller’’ notre ‘’copier’’ ? ».
Ainsi depuis 1960 pour la plupart, les pays africains sont avec tout ce que cela comporte comme déviances à la recherche de leurs dirigeants sans impact réel sur le mieux vivre des populations. Une personnalité bien connue n’avait-elle pas prophétisé qu’un homme qui a faim n’est pas libre ? Il ne serait pas aussi exagéré de paraphraser René Dumont en pensant qu’avec l’application de la conception vue des autres de la démocratie, certains pays sont mal partis.
Si personne ne peut remettre en cause les valeurs portées par la démocratie, on doit reconnaitre qu’il y a à dire par rapport au chemin emprunté pour approcher le mieux vivre des populations chez nous. Il suffit de suivre les échanges inter citoyens lors des campagnes électorales et de comprendre ce qui guide réellement le vote des électeurs.
Il nous faut assez de courage et d’imagination pour dire que les voies empruntées depuis ne sont pas adaptées (Abiola, 2021).
Nos pays ont bien besoin de se réinventer avec tout le courage nécessaire pour se mettre sur la voie du développement afin de satisfaire les attentes des populations.
Cotonou le 23 juin 2022
François Adébayo Abiola
Ancien Vice Premier ministre du Bénin
Quelques références bibliographiques :
François Adébayo Abiola (2021) : Le projet de société ou l’argent pour l’achèvement de la réforme du système partisan au Bénin, https://www.wasexo.bj/tribune-libre-du-professeur-francois-adebayo-abiola-le-projet-de-societe-ou-largent-pour-lachevement-de-la-reforme-du-systeme-partisan-au-benin/
François Adébayo Abiola (2022) : Atténuation des violences électorales en Afrique de l’Ouest : une piste de solutions du professeur François Abiola à un atelier de WANEP à Accra, https://www.les4verites.bj/une-piste-de-solutions-du-professeur-francois-abiola-a-un-atelier-du-wanep-a-accra/
René Dumont (1962) : L’Afrique noire est mal partie, Paris Editions Seuil
Véronique Gbêgnito (2016) : Préparation de la société au développement : quel rôle pour le religieux ? Présentation au colloque international en hommage au Professeur Hauhouot Asseypo Géographie et développement Abidjan 23-24 novembre 2016