Le ministre du cadre de vie, José Tonato était ce jeudi 16 juin 2022 à l’Assemblée nationale. Face aux députés, dans le cadre des questions orales au gouvernement, il a abordé trois sujets: la pollution des eaux marines à la côte ouest de Grand-Popo, le dragage de sable à Togbin Kpevi et le dragage de sable du lac Ahémé. Dans un langage clair, précis et bien fournis, le ministre du cadre de vie a éclairé la lanterne des élus de la nation. Tant les trois sujets préoccupent les populations que les députés. Le ministre Tonato a été on ne peut plus claire en ce qui concerne chaque sujet. Les réponses du ministre sur le dragage du lac Ahémé.
- Introduction
Le dragage est une activité d’extraction minérale dont l’exercice est encadré jusqu’à présent par le code minier, objet de la loi n° 2006-17, qui règlemente les activités minières, notamment la fiscalité minière, les autorisations, les relations entre les exploitants et propriétaires terriens ainsi que les conditions d’ouverture, d’exploitation et de fermeture des carrières. Il faut souligner que ce code minier et ses textes d’applications sont venus compléter le cadre juridique de référence définit depuis février 1999 (en cohérence avec l’article 27 de la Constitution du Bénin) et qui s’est traduit par l’adoption de la loi n°98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement.
Cette activité a été promue à partir de l’année 2009 par le gouvernement du Bénin, pour donner suite aux problèmes environnementaux et à l’érosion côtière dus au prélèvement anarchique du sable de mer le long des plages. En effet, avec l’interdiction du prélèvement de sable le long des plages par décret 2008-615 du 22 octobre 2008, nous avons assisté à un boom de l’exploitation du sable hors littoral ou hors plage. De nouveaux sites du domaine continental ont été prospectés par l’Office Béninois de Recherches Géologiques et Minières (OBRGM) et des gisements de sable ont été identifiés dans la zone marécageuse du cordon médian de « sable gris à blanc » qui s’étend jusqu’au bord de la lagune côtière et se prolonge vers la commune de Ouidah. Les études granulométriques et géotechniques (CEDA, 2006) indiquent que ces gisements de sable sont appropriés pour la construction. Sur la base d’une évaluation environnementale stratégique (EES) réalisée en 2003 par l’Agence Béninoise pour l’Environnement (ABE) et en guise de solution alternative à l’interdiction du sable marin, le gouvernement béninois a autorisé en 2007 le dragage du sable de la zone hydromorphe (bas-fonds) s’étendant de Cotonou à Ouidah, et délimité en périmètres dont la superficie varie entre 01ha 25a 65ca et 19ha 21a.
Dans le prolongement de cette dynamique de transfert de l’activité de dragage hors de la plage, notamment dans les années 2009-2013, l’Etat béninois a signé plusieurs conventions avec des promoteurs. Toutefois, – et en dépit de l’appui technique et des mesures fiscales encourageantes du gouvernement béninois -, cette alternative s’est faite dans des conditions d’installation d’urgence et, dans nombre de cas, – pour ne pas dire la totalité -, en dehors du respect des règles d’aménagement, de planification, tant à l’échelle régionale, nationale que locale et des dispositions de la loi-cadre sur l’environnement.
Malgré les dispositions mentionnées dans ces conventions en matière de règles de gestion de l’environnement et du cadre socio-économique des populations, ainsi que la mise en place d’un comité de suivi de la filière de dragage de sable, force est de constater : une dégradation de l’environnement due aux activités de dragage de sable, des conflits fonciers, la perturbation d’activités économiques collatérales ; l’activité conduisant à de multiples plaintes et contestations des populations riveraines.
C’est dans ce contexte que le Chef de l’Etat a initié une étude sur la réorganisation de la filière de sable hors littoral dans les communes d’Abomey-Calavi, Cotonou, Ouidah, Porto-Novo, Sèmè-Podji, les zones du Lac Ahémé et de ses chenaux. A travers son programme d’actions, le Gouvernement actuel a opté pour assurer aux populations un cadre de vie sain et durable ; notamment dans son Axe stratégique 7 « développement équilibré et durable de l’espace national ». Dans le développement de cet axe, le Ministère du Cadre de Vie et du Développement Durable (MCVDD) s’est fixé pour objectif, l’aménagement équilibré du territoire et une gestion rationnelle des ressources naturelles pour un mieux-être des populations.
- Rôle du Ministère du Cadre de Vie et du Développement Durable dans l’activité de dragage de sable
L’activité de dragage de sable est principalement organisée par le Ministère de l’Eau et des Mines qui est le seul habilité à délivrer les autorisations d’ouverture et d’exploitation des carrières de sable.
Le Ministère du Cadre de Vie et du Développement Durable, à travers l’Agence béninoise pour l’Environnement (ABE), intervient dans les activités de dragage de sable par les opérations ci-après :
- la délivrance aux promoteurs des carrières d’exploitation de sable, de Certificat de Conformité Environnementale (CCE) annexé d’un Plan de Gestion Environnementale et Sociale (PGES). Le CCE est une pièce constitutive du dossier de demande d’autorisation d’ouverture et d’exploitation de carrière de sable que les promoteurs adressent au Ministre de l’Eau et des Mines ;
- le suivi de la mise en œuvre des PGES ;
- l’audit environnemental et social externe des carrières ;
- l’inspection environnementale dans le cadre de la gestion des plaintes à caractère environnemental des populations.
Mon département ministériel contribue ainsi à la préservation du cadre de vie et du climat social des populations.
- Gestion des plaintes des populations de Togbin-Kpèvi
Mon département ministériel a reçu des plaintes des populations de Togbin-Kpèvi contre principalement l’Entreprise Grâce de Jéhovah qui est installée à Togbin-Daho. Les faits dénoncés par elles sont entre autres :
- le dragage de sable au-delà du périmètre attribué par le Ministère de l’Eau et des Mines,
- le non-respect de la profondeur de dragage,
- le non-respect de la distance de sécurité de 150 mètres des maisons,
- la destruction progressive de mangroves,
- l’effondrement des murs des maisons,
- l’émission de bruit à des heures tardives,
- la non réalisation des ouvrages socio-communautaires, et
- la dégradation des voies conduisant vers la localité.
Il en ressort que tous les faits dénoncés ne sont pas à caractère environnemental. En effet, il existe des faits qui relèvent plutôt des prérogatives du Ministère de l’Eau et des Mines, notamment le dragage de sable au-delà du périmètre attribué, le non-respect de la profondeur de dragage, le non-respect de la distance de sécurité de 150 mètres des maisons. Pour ces faits, seul ce Ministère connaît et peut vérifier les limites du périmètre attribué à l’entreprise. Il existe également des faits non avérés que les populations n’ont pas pu prouver comme l’effondrement des murs des maisons. Pour les faits restants et qui relèvent de l’environnement, l’Agence Béninoise pour l’Environnement a effectué des inspections environnementales de concert avec la Direction Départementale du Cadre de Vie et du Développement Durable de l’Atlantique et du Littoral et l’Inspection Forestière de l’Atlantique et du Littoral. Lesdites inspections ont révélé ce qui suit :
- la mangrove qui serait objet de destruction est sur un domaine de 19,6979 ha attribué par le Ministère de l’Eau et des Mines (MEM) à l’entreprise Grâce de Jéhovah pour exercer une activité de dragage du sable ;
- aucune coupe des palétuviers n’a été observée dans la portion de la mangrove indiquée par la partie plaignante ;
- le dragage du sable trop proche des îlots de palétuviers a occasionné l’affaissement de quelques pieds de palétuviers aux abords des touffes à cause du déséquilibre créé par l’extraction du sable ;
- l’Entreprise Grâce de Jéhovah détient un Certificat de Conformité Environnementale (CCE) ;
- la dégradation des voies dénoncées ne saurait être attribuée à l’entreprise parce que la voie principale empruntée par les camions se trouve plutôt à Togbin-Daho.
Des instructions fermes ont été données à l’entreprise pour sauvegarder les mangroves car elles constituent une végétation protégée.
Ainsi, mon Département ministériel prend avec une grande attention les plaintes des populations de Togbin-Kpèvi et les aspects environnementaux sont rigoureusement suivis.
- Eléments de réponse aux questions
Question 1 : A quand remontent les premières autorisations de dragage de sable dans la zone ? Et quel est le temps maximal pendant lequel, une même zone peut être draguée ?
La Direction générale des mines a donné les premières autorisations d’exploitation de sable dans la zone de Dèkoungbé-Togbin, dans l’arrondissement de Godomey, en 2010 suite à l’interdiction de l’exploitation du sable marin. Dans le but d’encourager les promoteurs, les premières exploitations n’ont pas été obligé de faire objet d’une étude d’impact environnemental et social. Toutefois :
- la société DRAGON SA a obtenu le 26 février 2004, le Certificat de Conformité Environnementale n°006/MEHU/DC/SG/ABE/DG/EEEG/SA pour le projet d’exploitation de sable à Dèkoungbé ;
- la société « Grâce de Jéhovah » SARL du sieur DAMALA a obtenue le 20 décembre 2011, le CCE n°0033/MEHU/DC/SGM/DG-ABE/DEIE/SA pour le projet de dragage de sable lagunaire dans le périmètre P3 de Dèkoungbé-Hêdomey ;
- la société MINEX BENIN SARL a obtenue le 12 avril 2012, le CCE n°0008/MEHU/DC/SGM/DG-ABE/DEIE/SA pour le projet de dragage de sable dans les marécages de Dèkoungbé-Hêdomè ;
- la société MINEX BENIN SARL a obtenue le 09 novembre 2015, le CCE n°0148/MECGCCRPRNF/DC/SGM/DG-ABE/DEIE/S-SEIE/SA pour le projet d’ouverture et d’exploitation de sable par dragage des périmètres P4-P5 à Dèkoungbé-Togbin Denou ;
- la société IBP SARL a obtenue le 24 novembre 2015, le CCE n°0170/ MECGCCRPRNF/DC/SGM/DG-ABE/DEIE/SA pour le projet d’exploitation de sable par dragage du périmètre P6 à Dèkoungbé-Togbin Denou.
Chaque site bénéficie d’une convention de cinq ans, renouvelable. Lors de l’étude sur la réorganisation de la filière de dragage de sable initiée par le Gouvernement en 2019, il est ressorti que certaines structures avaient bénéficié d’un renouvellement qui devrait prendre fin en 2020. Ces renouvellements sont accordés à la suite de visites de sites organisées par la DG-Mines et ses directions techniques. Ainsi, d’autres structures ont, à nouveau, bénéficié de renouvellement en 2020.
Question 2 : Quelles sont les dates des dernières autorisations accordées aux sociétés qui officient dans la zone ? Ces autorisations ont-elles été précédées d’études environnementales conformément aux prescriptions législatives et réglementaires en vigueur au Bénin ?
Le dernier CCE délivré pour une exploitation dans la zone date du 24 novembre 2015. Quant aux dernières autorisations accordées aux sociétés qui officient dans la zone, seul le Ministère de l’Eau et des Mines pourrait, ce jour, en donner la liste exhaustive. La seconde phase de l’étude sur la réorganisation de la filière de dragage de sable dans la zone littorale permettra d’avoir un répertoire de tous les sites en cours d’exploitation ainsi que de la date des dernières autorisations.
Question 3 : Quelle est la profondeur d’extraction autorisée au Bénin et dans la zone ? Les sociétés opérant dans la zone respectent-elles cette norme ?
La profondeur d’extraction dépend des résultats issus des sondages effectués, en d’autres termes du gisement de sable exploitable disponible. Les sondages permettent en réalité de circonscrire le gisement de sable et d’en évaluer l’épaisseur qui peut excéder les 6 m. Les dragues travaillent, aux dires des promoteurs miniers, sur des profondeurs variant de 6 à 11 m, chiffres entérinés par les services de la DGMines. Toutefois, il faut souligner que selon la marque et la capacité de la drague, la profondeur de dragage peut atteindre 15 mètres et plus.
La Direction générale des mines, structure chargée du suivi de l’activité du dragage indique que les profondeurs de dragage des sociétés détentrices d’autorisation varie de 6 à 11 mètres.
Question 4 : Quelle est la distance officielle prévue pour séparer les zones à draguer des voies publiques et des propriétés privées ? Les sociétés agréées pour extraire le sable à Togbin-Kpêvi respectent-elles ces distances ?
La distance officielle prévue pour séparer les zones à draguer des voies publiques et des propriétés privées est de 150 mètres.
Les sociétés exploitant le sable par dragage dans la zone de Togbin-Kpèvi, au démarrage de leur activité, ont respecté la distance. Toutefois, le dragage de sable provoquant le retrait du cours d’eau et donc le gain de terres, des populations se sont installées sur ces terres sans tenir compte de la distance de sécurité et des risques qu’elles encourraient.
Question 5 : Il est prévu au bénéfice des populations habitant la zone, la construction d’infrastructures diverses afin de compenser les conséquences néfastes liées aux coups portés à leur cadre de vie. Est-il possible de rendre publique, la liste des infrastructures construites depuis le début de l’opération de dragage de sable à Togbin-Kpêvi ?
Avant le renouvellement des conventions, le Ministère de l’Eau et des Mines à travers la DG-Mines procède à la vérification de la mise en œuvre effective des prescriptions. Les principales infrastructures réalisées sont l’ouverture et/ou le reprofilage des voies d’accès aux sites
- Conclusion
En définitive, le Gouvernement est bien soucieux du bien-être des populations et s’emploie ardemment à l’assurer par tous les moyens en sa disposition. Mon département ministériel s’emploie à garantir aux populations un environnement sain, satisfaisant et durable. De par ses actions sur le terrain, il agit à minimiser les impacts environnementaux et sociaux négatifs des activités de dragage de sable dans les communautés. Pour y arriver, il s’est doté des outils de suivi et de contrôle de l’environnement, à savoir l’inspection environnementale, le suivi des plans de gestion environnementale et sociale et l’audit environnemental et social externe. Ainsi, plusieurs missions d’inspections environnementales ont été organisées par l’Agence béninoise pour l’Environnement et la Police Environnementale à l’endroit de ces promoteurs afin de les amener à respecter la législation environnementale en vigueur.