Atténuation des violences électorales en Afrique de l’Ouest : Une piste de solutions du Professeur François Abiola à un atelier du Wanep à Accra

Politique

(« Quelle nouvelle voie pour la gestion publique en Afrique pour mieux ‘’coller’’ notre ‘’copier’’ ? », demande-t-il à nos élites)

Les élections constituent l’un des moments forts de la démocratie. Elles permettent aux citoyens de choisir les responsables qu’ils pensent être capables de les diriger. Mais parfois, ces élections sont à l’origine des violences avec des dégâts importants et même des pertes en vies humaines. L’atténuation des violences électorales en Afrique de l’Ouest a été une préoccupation majeure du WANEP et des organisations nationales de gestion des élections à un atelier à Accra les 26 et 27 avril 2022. Le Professeur François Adebayo Abiola, un des participants dudit atelier, en parle et donne une piste de solutions innovantes pour l’atténuation des violences électorales. Il pose, par ailleurs, une préoccupation majeure à nos élites : « Quelle nouvelle voie pour la gestion publique en  Afrique pour mieux ‘’coller’’ notre ‘’copier’’ ? ». En somme un grand chantier.

Le Réseau ouest africain pour l’édification de la paix, a organisé en partenariat avec la Commission économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) et l’Union Européenne un atelier pour évaluer ses activités sur les violences électorales en Afrique de l’Ouest.  C’était à Accra les 26 et 27 avril 2022 à travers son projet EMAM (Suivi, analyse et atténuation de la violence électorale) avec les trois phases suivantes :

  • la séance d’ouverture
  • les panels
  • la séance de clôture.

 

  1. La séance d’ouverture

 

Sept messages ont été délivrés le 26 avril 2022 avant le discours d’ouverture. Tous avaient pour principal objectif de montrer aux participants l’importance de l’atelier dans la construction de la paix pour l’espace ouest africain.

Intervenant le premier, le président du comité d’organisation, le Directeur exécutif de WANEP,  a indiqué qu’il urge de trouver des solutions aux violences qui accompagnent parfois les élections en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier. Il a salué le projet Electoral violence monitoring analysis and mitigation (EMAM) c’est-à-dire, Suivi, Analyse et atténuation de la violence électorale initié par WANEP avec des partenaires comme la CEDEAO, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) et l’Union Européenne.

Rappelons que le Réseau Ouest africain pour l’édification de la paix (WANEP) est une organisation régionale de la société civile opérationnelle dans l’édification de la paix. Il a été fondé en 1996 et officiellement lancé en 1998 en réponse aux guerres civiles et aux situations instables ainsi qu’aux crises humanitaires qui ont tourmenté l’Afrique des années 1990. Il a établi des réseaux nationaux dans chacun des pays membres de la CEDEAO dont le Bénin.

Les représentants de la CEDEAO, de l’UNOWAS, de l’UA et de l’UE ont  tour à tour reconnu la pertinence du projet EMAM et leur plaisir de l’avoir soutenu.

En 2002, WANEP est entré en partenariat avec la CEDEAO pour la mise en œuvre d’un système régional d’alerte précoce et de réponse rapide (ECOWARM). Celui-ci apporte une contribution aux conflits et aux débats politiques.

En août 2015, WANEP a signé un protocole d’accord avec la Commission de l’Union africaine afin d’apporter son appui au département ‘’Paix et sécurité’’ (APSA) dans la mise en œuvre de son architecture pour l’union, notamment dans le volet intégration du genre.

Pour le Dr Mohamed Ibn Chambas, ancien représentant spécial du Secrétaire général des nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, la violence est la conséquence d’une situation plus sérieuse. Beaucoup d’efforts ont été faits pour promouvoir la bonne gouvernance en Afrique de l’Ouest mais ils demeurent insuffisants en observant les coups d’Etat qui ont refait surface.  Les populations participent aux élections mais ne croient pas qu’elles peuvent améliorer leur bien vivre. Elles veulent voir les dividendes de la démocratie et bénéficier de ses avantages.

 

  1. Le Bénin, un pays de tradition électorale depuis le renouveau démocratique de 1990

 

Nous l’avons déjà entendu. Les élections constituent l’un des moments forts de la démocratie. Elles permettent aux citoyens de choisir les responsables qu’ils pensent être capables de les diriger. Mais parfois, ces élections sont à l’origine des violences avec des dégâts importants et même des pertes en vies humaines. Pour certains, la démocratie se réduit aux élections et les défaites sont difficilement acceptables. On doit donc accorder une grande attention aux structures officielles chargées de l’organisation et de la gestion des élections.

Dans la plupart de nos pays, ce sont les partis politiques qui animent la vie politique. Or ceux-ci se prêtent une méfiance sans limite. Ils veulent contrôler les processus électoraux afin de s’en assurer la victoire. Ils accordent peu de confiance aux gouvernants en place qu’ils veulent d’ailleurs dans la plupart des cas changer. C’est pourquoi ils se sont battus afin que les ministères chargés de l’intérieur n’organisent plus les élections. On est progressivement parvenu aux structures autonomes à partir surtout de 1990.

Depuis l’amorce du renouveau démocratique en 1990, le Bénin a organisé :

  • 7 élections présidentielles : 1991, 1996, 2001, 2006, 2011, 2016 et 2021 ;
  • 8 élections législatives : 1991, 1995, 1999, 2003, 2007, 2011, 2015 et 2019

Avec ce constat, on peut dire que le Bénin est un des pays modèles de la démocratie qui respecte les règles régulières des consultations électorales et avec même alternance au sommet de l’Etat.

Seules les premières élections de 1991 ont été organisées par le ministère chargé de l’intérieur. Les autres l’ont été par la CENA. D’abord ad hoc avec une durée de 45 jours à 6 mois, elle est devenue légalement permanente avec un mandat de 7 ans et maintenant de 5 ans.

 

  1. La réforme du système partisan

Même avec la CENA, les problèmes vont des critiques aux contestations.

Critiques dans le mode de désignation des responsables de la CENA jusqu’aux qualités mêmes de ceux-ci.

C’est alors que la classe politique a décidé de réformer le système partisan pour espérer réussir la consolidation de la démocratie avec d’importantes lois électorales :

  • Loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin ;
  • Loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral en République du Bénin ;
  • Loi n°2019-44 du 15 novembre 2019 portant financement public des partis politiques en République du Bénin.

L’article 5 de la loi sur le financement public des partis stipule que :

Le financement public des partis politiques, concourt entre autres :

  • au fonctionnement des partis ;
  • à la promotion de leur programme politique ;
  • à leur participation aux consultations électorales ;
  • à la formation de leurs militants ;
  • à l’éducation civique et politique de leurs membres et des citoyens en général.

Le financement public des partis politiques est une avancée sérieuse dans la conquête de leur autonomie. « Qui paye commande » dit-on. Par ailleurs le Bénin a choisi de financer ses élections par ses propres moyens.

Tout ce qui peut aider à corriger des méprises qui concourent aux violences électorales est toujours en réflexion.

Conformément à l’article 18 du code électoral, la CENA est composée de 2 organes :

  • Le Conseil électoral (CE) ;
  • La Direction générale des élections (DGE).

 

  • La CENA 2021 pour continuer au Bénin des consultations apaisées

Pour atténuer les violences électorales, la CENA  2021 s’est d’abord elle-même préoccupée de son fonctionnement afin qu’il réponde aux prescriptions légales.

Elle a fait de l’écoute de partenaires nationaux et régionaux l’une de ses principales préoccupations :

  • rencontres avec les partis politiques officiellement reconnus à l’issue de la réforme du système partisan ;
  • échanges avec des organisations de la société civile ;
  • échanges avec la Commission béninoise des droits de l’homme ;
  • concertation permanente avec l’Agence nationale d’identification des personnes (ANIP) ;
  • concertation avec des représentations diplomatiques qui l’ont souhaité ;
  • échanges avec le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) à sa demande….

Les violences électorales péri électorales de 2019 et 2021 ont eu plusieurs causes dont notamment des frustrations et autres incompréhensions liées aux nouvelles dispositions contenues dans les lois légalisant les réformes électorales.

De façon générale, les différents types de violence électorale distinguent les acteurs impliqués, la forme de violence employée, les motifs de son usage et le moment où on y a recours. Parmi les acteurs classiques de violences électorales figurent, les partis politiques et les populations elles-mêmes. La violence peut  se manifester sous forme de harcèlement, d’achat de conscience, de menaces, d’intimidation, d’assassinat, d’incitation à l’insurrection. Elle peut se produire avant, pendant ou après des élections. La violence préélectorale peut commencer avec l’inscription des électeurs sur les registres. Le jour du scrutin par empêchements des citoyens à accéder aux postes et bureaux de votes ou par la volonté de certains de détruire les matériels électoraux. Au cours de la période qui suit les élections, c’est-à-dire  l’intervalle entre le vote et la proclamation des résultats, des manipulations des résultats sortis des urnes peuvent entrainer de graves violences.

En tout cas, la violence électorale a pour objectif principal d’influencer le résultat des élections par des manipulations de toutes sortes.

Les atténuations desdites violences ont été observées avec des appels à la paix surtout ceux de responsables religieux.

 

  • Contestations en cours dans la perspective des élections du 8 janvier 2023.

 

Elles sont liées surtout à la confection de la liste électorale.

Conformément à l’article 17 du code électoral, c’est l’Agence nationale d’identification des personnes (ANIP) qui est chargée de transmettre à la CENA la liste électorale informatisée (LEI) au plus tard 60 jours avant la date du scrutin. Ladite liste doit être publiée 15 jours avant sa transmission à la CENA.

En effet, le gouvernement a lancé en 2017 au Bénin avec la loi n°2017-08 du 19 juin 2017 portant identification des personnes physiques en République du Bénin, le Recensement administratif à vocation d’identification de la population (RAVIP). L’objectif est d’enrôler les populations afin d’établir un registre national et de fournir un numéro d’identification qui servira pour tous les actes administratifs.

En tirant la liste électorale du fichier national, il est connu qu’aucun citoyen ne peut être écarté du scrutin à condition qu’il en exprime la volonté d’y participer en allant se faire enrôler. Tout doit être mis en œuvre pour ceci par l’ANIP, les partis politiques et les citoyens eux-mêmes.

Au total et comme nous l’avons discuté hier avec l’importante allocution de M. Mohamed Ibn Chambas que je félicite encore, on ne peut dissocier les violences électorales de leur véritable contexte. Depuis, il faut se demander réellement ce que les élections apportent au mieux vivre des populations.

Est-ce que c’est en réussissant des élections qu’on est en démocratie pour satisfaire les besoins fondamentaux des populations ? Je retiens de l’une des conclusions du dernier intervenant du panel 2 ceci : « Quelle est réellement la définition de la démocratie. Est-ce que c’est une démocratie à l’européenne qu’il faut à notre région dans le contexte social actuel ? L’alternance à la démocratie peut ne pas être une dictature ».

Alors question à nos élites : Quelle nouvelle voie pour la gestion publique en  Afrique pour mieux ‘’coller’’ notre ‘’copier’’ ? Un grand chantier.

Je vous remercie.

 

Accra, le 27 avril 2022

Professeur François Adébayo ABIOLA