Au micro de Christophe Boisbouvier de Radio France Internationale (RFI), Komi Koutché, ministre béninois de l’économie et des finances sous Boni Yayi se prononce sur sur la crise franco-malienne. Il critique la politique française notamment au Mali et conseille le président Macron qu’il « gagnerait mieux à engager un dialogue franc avec les nouvelles autorités maliennes et à les amener à rester dans un agenda raisonnable qui puisse ouvrir la voie à la démocratie, plutôt que ce bras de fer qui est en cours ».
RFI : Le retrait de Barkhane et de Takouba du Mali, est-ce que c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour ce pays et pour la sous-région ?
Dr Komi Koutché : Je crois qu’il reviendrait à la France d’engager un dialogue constructif avec les autorités actuelles du Mali pour lutter contre le terrorisme, parce qu’on se rend compte que le président Emmanuel Macron se rapproche davantage d’un ordre incarné par les anciennes pratiques. Lorsque vous prenez le Mali aujourd’hui, l’argument fondamental qui est avancé, c’est le fait que les militaires veuillent se maintenir au pouvoir. Et vu sous cet angle, il y a un problème qui se pose parce que nous avons vu ailleurs des militaires au pouvoir qui sont pratiquement dans un schéma de mandat viager. Par exemple, au Tchad, le traitement n’a pas été le même. Pourquoi ne fait-on pas une analyse détachée en se disant quelle est la solution que les militaires maliens apportent et en quoi on peut les soutenir tout en leur demandant de rester dans un agenda raisonnable ?
C’est-à-dire que le Mali et le Tchad ne sont pas traités à la même enseigne ?
Ils ne sont pas traités à la même enseigne parce que les deux pays ont les mêmes caractéristiques, des militaires au pouvoir, mais d’un côté nous voyons qu’il y a une bienveillance et de l’autre côté, nous voyons une certaine pression. Or, lorsque vous allez aujourd’hui en Afrique, dans la plupart des pays, les peuples africains pensent que ce qui se joue au Mali est comme une question de dignité de la nouvelle Afrique. Je ne suis pas pour la présence des militaires au pouvoir, mais je crois que, pour un président comme le président Macron, que nous considérons, nous avons considéré et nous continuerons de considérer comme le président de la rupture avec les anciennes pratiques, ce président gagnerait mieux à engager un dialogue franc avec les nouvelles autorités maliennes et à les amener à rester dans un agenda raisonnable qui puisse ouvrir la voie à la démocratie, plutôt que ce bras de fer qui est en cours. C’est cela qui rend la politique française un peu incompréhensible depuis un certain nombre d’années. Ce n’est pas seulement ce seul sujet. Le troisième mandat, c’est un coup d’État civil. Nous avons vu le traitement qui a été fait en Côte d’Ivoire. Nous avons vu le traitement qui a été fait en Guinée alors que c’est le même cas de figure. Il y a le président [Alassane] Ouattara et le président [Alpha] Condé, ces deux octogénaires qui se sont octroyés un troisième mandat dans les mêmes conditions. Mais la France a félicité le coup d’État civil de la Côte d’Ivoire et a désapprouvé celui de la Guinée. Il y a un problème de logique.
Avec RFI