Opinion de Alfred Cossi CHODATON : La prison ou le pardon pour Madougou et Aivo, après leur condamnation ?

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Respectivement le mardi 07 et le samedi 11 décembre 2021, les deux personnalités de l’opposition politique béninoise, Joël AIVO et Réckya MADOUGOU, ont été condamnées séparément, la première à 10 ans et la seconde à 20 ans d’incarcération. Il est reproché à ces deux politiciens d’avoir des liens avec les actes de violences électorales ayant marqué la période des présidentielles d’avril 2021. Après leur condamnation, quelles perspectives pour eux et pour le dialogue entre l’opposition et le gouvernement ?

Bien que les violences électorales ne soient pas une donnée si nouvelle dans l’histoire politique du Bénin que, ce soit après ou avant la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1989, c’est la première fois que les violences électorales ont pris une telle ampleur.

Notre intention ne peut pas être de nous substituer aux juridictions compétentes pour apprécier la culpabilité ou l’innocence des deux personnalités. Mais notre intention est de proposer une autre approche de la réponse des institutions aux violences électorales.

En effet, à cause de la nature des charges qui pèsent contre les intéressés, ne pas leur imputer les actes qui leur sont reprochés peut participer à l’impunité. Or l’impunité fait partie des maux qui minent depuis des décennies la gouvernance publique et que les gouvernants actuels ont pris l’engagement de combattre. En cela, leur jugement est un acte qui contribue à lancer un message de l’intolérance des autorités judiciaires vis-à-vis de ces genres d’actes qui portent atteinte à la démocratie naissante béninoise.

Cependant d’un autre côté, ignorer les appels à la clémence et à la grâce présidentielle peut avoir aussi ses conséquences tout au moins sur la perception des différents acteurs politiques, de la société civile et des milieux diplomatiques de la qualité de notre gouvernance démocratique.

Après leur jugement, une approche plausible serait d’instaurer, dans le cadre d’un processus de réconciliation entre les acteurs politiques, une commission « vérité et réconciliation » à la sud-africaine.

Les intéressés pourraient bénéficier d’une grâce présidentielle en contrepartie de leurs accords pour comparaitre devant une commission composée de personnalités apolitiques et neutres où ils seront non pas jugés à nouveau mais contraints d’accepter d’être confrontés aux preuves des charges contre leur personne. À la fin, s’ils sont trouvés coupables, ils doivent accepter de présenter des excuses publiques.

D’un autre côté, le dialogue politique devra conduire les acteurs, ceux de l’opposition et ceux de la mouvance présidentielle, à d’une part reconnaître la nécessité des réformes constitutionnelles et électorales visant à renforcer le système partisan béninois et d’autre part réfléchir sur les améliorations éventuelles à apporter à ces réformes pour les élections à venir.

Une telle approche dans la résolution du différend qui oppose les acteurs politiques aura plusieurs avantages dont le premier sera la pérennisation de la réforme du système partisan. Le second sera la conjuration de toute menace d’instabilité institutionnelle qui pourrait être favorisée par l’antagonisme acteurs politiques. Le troisième est que le Bénin sera à l’abri des ingérences extérieures dont le seul but pour leurs auteurs est de jeter l’huile sur le feu afin de se présenter comme des médiateurs incontournables. Le quatrième avantage, et non des moindres, sera la paix sans laquelle le développement économique et social ne saurait être possible.

En somme, dans un tel arrangement, tout le monde aura gagné et personne n’aura perdu. Le Bénin aura montré une fois de plus à la face du monde sa capacité à transcender ses clivages et préserver l’intérêt général.

La démocratie n’est pas un ensemble d’institutions et de lois. C’est un état d’esprit qui veut que nous puissions rechercher des compromis.

Les pères fondateurs de la démocratie américaine, en 1787, ont dû trouver un compromis entre ceux qui s’accrochaient à la souveraineté de leurs États lesquels étaient plus petits, démographiquement, au sein de la fédération et ceux qui privilégiaient le vote populaire. Ce compromis s’appelle le système des grands électeurs qui garantit à la fois le vote populaire mais aussi l’importance politique et électorale des États démographiquement plus petits.

Un tel compromis doit pouvoir nous inspirer.

Alfred Cossi CHODATON (WhatsApp : 95401064), Le Libre Penseur, publié le dimanche 12 décembre 2021, à 20 heures.