Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi est arrivé ce dimanche à Paris pour une visite d’Etat de deux jours censée renforcer la coopération entre la France et l’Egypte face aux crises du Moyen-Orient. Mais il s’agira aussi de raviver les relations bilatérales malmenées par la question des droits de l’homme.
Pour l’Elysée, l’Egypte du maréchal al-Sissi représente un « pôle de stabilité » dans une région « qui reste volatile ». Dans l’entourage du président français Emmanuel Macron, on insiste donc sur l’importance de « renforcer le partenariat stratégique » entre Le Caire et Paris.
Les positions des deux chefs d’Etat convergent sur les grands enjeux de sécurité régionale : la crise libyenne, les ambitions du président turc Recep Tayip Erdogan en Méditerranée orientale, le conflit israélo-arabe, la crise politique au Liban, les enjeux liés à l’Iran et la situation en Irak. Le maréchal al-Sissi présente aussi l’Egypte comme barrière contre les flux migratoires vers l’Europe. Sans parler de son rôle de rempart contre l’islamisme politique au Moyen-Orient.
Mais c’est justement là où le bât blesse. Car au nom de la lutte antiterroriste, le président égyptien « réprime toute dissidence pacifique », dénoncent les organisations des droits de l’homme.
Le 27 janvier 2019, alors en visite au Caire, Emmanuel Macron s’était fait leur porte-voix, regrettant que la situation n’évolue pas « dans la bonne direction » en Egypte, car des « blogueurs, des journalistes et des activistes » y sont emprisonnés. Ces déclarations avaient plus que crispé son homologue égyptien et bloqué de nombreux projets de coopération entre les deux pays. Aujourd’hui, ces organisations appellent le président français à conditionner le soutien militaire français à l’Egypte à la libération des prisonniers politiques, dont le nombre est estimé à 60 000.
Une vieille affaire enfin classée
A la veille de la visite d’Abdel Fattah al-Sissi, les autorités égyptiennes ont fait plusieurs gestes. Trois directeurs de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR) ont été relâchés. Leur arrestation avait déclenché une levée de boucliers internationale, France comprise.
Le gouvernement a également publié le décret d’application de la loi des ONG qui traînait dans les tiroirs depuis trois ans, indique notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Ce décret a permis dans la foulée de libérer trois membres d’une ONG dont l’arrestation avait provoqué une protestation française. L’ONG qui fonctionnait comme société a déposé une demande d’enregistrement en tant qu’association à but non lucratif et la charge est tombée.
Cela a ensuite permis à la cour d’appel du Caire, qui prend généralement son temps, de classer l’affaire des ONG de 2011. Vingt ONG de défense des droits de l’homme égyptiennes et étrangères, notamment américaines, étaient accusées d’avoir reçu illégalement des fonds étrangers et de s’être immiscées dans les affaires politiques du pays. Une quarantaine de personnes, égyptiennes et étrangères, avaient été condamnées à des peines de prison ferme ou par contumace avant d’être relaxées en 2018.
Cela ne signifie pas pour autant que les obstacles au travail des ONG de défense des droits de l’homme ont été levés. Il leur faudra préalablement obtenir l’accord du ministère des Affaires sociales. Un autre parcours du combattant.
Avec RFI