Devoir de mémoire :  Il y a 48 ans, le 26 octobre 1972

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Le jeudi 26 octobre 1972, le chef de bataillon, Mathieu Kérékou, prenait le pouvoir. Cet acte décisif qui a mis fin à plus d’une décennie d’instabilité, ouvrait la voie de la Révolution au Dahomey, lequel finira par être baptisé Bénin. Le nouvel homme fort et les membres de son équipe ont su imposer leur autorité avant qu’elle ne s’essouffle en 1989, avec l’avènement de la démocratie.

14h30 ce jeudi 26 octobre 1972. Le régime du Conseil présidentiel avec son monstre à trois têtes est renversé. La station de radiodiffusion et le palais de la République sont investis par l’Armée, désormais maîtresse de la situation. A 15h, le nouvel homme fort fait une proclamation. Celle-ci rappelle les circonstances qui ont amené le Gouvernement militaire révolutionnaire (GMR) à prendre le pouvoir.

«…Il est donc nécessaire de donner l’unique occasion à des hommes de bonne volonté, de réaliser et de consolider l’unité nationale si chère à tous. Il est également utile et pressant de donner à notre beau pays, la chance d’être servi par ses valeureux fils capables de consentir les sacrifices », indique la proclamation lue par le chef de bataillon Mathieu Kérékou. Le nouvel homme fort y dénonce la primauté des intérêts personnels au détriment de ceux des masses, l’injustice et l’arbitraire érigés en règles de gouvernance, le virus de la division ayant atteint l’Armée et le constat de faillite du Conseil présidentiel.
Pour lui, en effet, l’Armée consciente de ses devoirs et de ses responsabilités, après ce constat, a été amenée à décider dans l’intérêt supérieur du Dahomey (actuel Bénin) à abroger l’Ordonnance n° 70-34 / du 7 mai 1970 portant charte du Conseil présidentiel, la dissolution dudit conseil et de son gouvernement, la dissolution de l’Assemblée consultative nationale, des conseils consultatifs départementaux et urbains, des comités de vigilance et de réconciliation et l’abrogation de l’Ordonnance n°70/42/CP/DN du 24 juillet 1970 portant organisation générale de la défense nationale.
La révolution a été caractérisée par des décisions et actions fortes qui ont marqué le pays. Dès qu’il a accédé au pouvoir, le GMR a édicté des communiqués. Le samedi 28 octobre 1972, la Une de Daho Express éditée à l’époque par l’Etablissement national d’édition et de presse (ENEP), l’ancêtre de La Nation, a annoncé les couleurs : « Toutes décisions prises à la date du 26 octobre 1972 par une autorité autre que le gouvernement militaire révolutionnaire et concernant le recrutement, l’affectation et l’avancement d’agents de la fonction publique sont nulles et de nul effet». Le même sort, rapporte le communiqué dans un 2e alinéa, frappe toutes les décisions prises dans les mêmes conditions et tendant à une régularisation quelconque de la situation des agents de l’Etat.

 

Revenir impérativement à Cotonou

Dans la même foulée, le GMR a d’urgence demandé à Sourou Migan Apithy, l’un des 3 membres du Conseil présidentiel en vacances en Europe à «revenir à Cotonou impérativement» et «au plus tard» lundi prochain (ndlr entendez lundi 30 octobre), « autrement il sera considéré comme exilé politique», a mentionné le communiqué présidentiel diffusé sur les antennes de la Voix de la Révolution.
Ainsi, le Conseil présidentiel composé des présidents Hubert Coutoukou Maga (dont le mandat avait expiré en mai 1972), Tomêtin Justin Ahomadégbé (qui avait pris le relais le 7 mai, donc en plein exercice lors du coup d’Etat du 26 octobre) et Sourou Migan Apithy (en vacances en Europe) avait été dissout.
Les passations se sont déroulées dans la convivialité et avec une certaine cordialité, semble-t-il. Le premier Conseil des ministres s’est tenu. Le chef de l’Etat recevant les membres du corps diplomatique en audience en présence des membres du GMR, les a rassurés de son engagement à respecter les biens, les personnes et les accords internationaux conclus avec leurs pays respectifs.
Le GMR a invité toutes les forces vives et autres composantes de la nation à faire des propositions et suggestions dans le cadre de l’élaboration “d’un programme de développement intégral et populaire qui sera appliqué par le gouvernement militaire avec le concours direct et la participation effective de tous les travailleurs de la nation.».
Pour le chef de l’Etat, Mathieu Kérékou, « L’exemple du patriotisme sera désormais donné par le gouvernement ».
Les forces vives du pays étaient conviées à apporter “leur concours direct et leur participation effective” au programme que le GMR entendait mettre en oeuvre. La devise qui était répandue à travers le pays était désormais de compter sur « ses propres forces», les ressources réelles dont disposait le pays. De plus en plus donc, les nouvelles autorités étaient plus enclines à se contenter des moyens propres dont le pays était pourvu, pour asseoir les actions et opportunités de développement.
Dans le cadre de la coopération étrangère, les autorités nationales avaient souvent privilégié des rapports soit avec les Etats africains ayant fait la même option idéologique, soit avec ceux d’autres continents mais dont les obédiences idéologiques étaient plutôt proches de celles adoptées par le Bénin et sa Révolution.
L’expérience faite pendant plusieurs années n’a pas manqué de porter des fruits. Les directives données étaient suivies à la lettre. Mieux, le système de gouvernance à la base avait permis de réduire les complots, permettant au pays de connaître une stabilité sur le plan politique. Du coup, le Bénin avait perdu son triste statut ”d’enfant malade de l’Afrique” comme d’aucuns aimaient le qualifier avec la répétition des coups d’Etat.
Sur ce point, en effet, comme s’il en avait seul le secret, les attentats, complots et autres putschs qui agaçaient la communauté internationale, avaient disparu comme par enchantement. Le pays avait connu une stabilité certaine. Certains cadres et autres personnalités ont collaboré et adhéré au mouvement/élan de redressement impulsé par le GMR. Le président Mathieu Kérékou a pu donner un certain contenu à l’unité nationale. L’opinion publique a pu se rendre compte des brassages heureux qui ont ponctué ses dix-sept ans de régime militaro-marxiste. Les tares reprochées au Conseil présidentiel se sont progressivement corrigées.

 

Ardeurs émoussées

Malheureusement, l’option du marxisme-léninisme n’a nullement permis au pays de prendre son envol économique. Ainsi, à l’époque, le système de gestion caractérisé par un certain dirigisme économique n’avait pas permis de développer le pays. Au fil du temps, les ardeurs se sont émoussées et on assistera au déclin du régime. D’où la convocation de la Conférence nationale des forces vives de la nation. Celle-ci avait permis de regrouper les fils et filles du pays de l’intérieur comme de la diaspora. Ensemble, ils ont opté pour la démocratie. Dès lors, le peuple réconcilié avec lui-même a dû faire l’option du libéralisme économique.

Toutefois, pour les nostalgiques, la Révolution a permis au pays de connaître des heures de gloire. Aussi, ont-ils aidé Mathieu Kérékou, l’homme du 26 octobre, à revenir aux affaires pour deux mandats, à l’avènement de la démocratie. Tel un caméléon, il a su s’adapter à la nouvelle situation.

Ceux qui l’ont côtoyé, gardent de bons souvenirs de l’ancien président qui a tiré sa révérence en 2015. Le bâtonnier Robert Dossou, ancien président de la Cour constitutionnelle, et Ousmane Batoko, actuel président de la Cour suprême et bien d’autres, ont reconnu la grandeur d’âme et d’esprit de l’homme.

Avec D.P.DOGUE  (L.N)

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