Encore deux nouveaux décès ce week-end du fait de la Covid-19. Pourtant beaucoup ne croient pas encore à la pandémie. Dr Nicolas Akotchayé, sociologue Anthropologue, enseignant-chercheur à l’Uac, explique cette perception des populations, analyse les possibilités de discrimination du fait de la maladie et appelle à une démystification du mal.
Six mois après le début de la pandémie, on assiste encore à un déni du mal chez beaucoup de citoyens, aussi bien en milieu urbain que rural. Comment expliquez-vous la perception des Béninois sur la Covid-19 ?
Apparue en Chine en décembre 2019, la maladie s’est vite propagée dans le monde amenant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à déclarer l’épidémie comme une urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier 2020. Elle a atteint le Bénin courant mars 2020 et le nombre de cas confirmés et de villes touchées ne cessent de croître. Très tôt, le gouvernement a pris des mesures drastiques pour endiguer la propagation de la pandémie. Ces mesures sont la mise en place d’un cordon sanitaire autour 15 communes du Bénin, l’arrêt des transports en commun (bus, mini-bus communément appelés Tokpa-Tokpa, la fermeture des écoles, les universités, les lieux de culte le 30 mars 2020. Le déni du mal chez beaucoup de citoyens est une conséquence de la gestion de la pandémie par les autorités sanitaires et gouvernementales : camouflage de l’identité des personnes infectées, les images des malades, de par l’ampleur numérique. En dehors du seul cas où les réseaux sociaux ont fait circuler les images du présumé corps d’un député, les autres cas sont restés dans un contexte mystérieux. Les populations veulent avoir des témoignages des personnes guéries pour croire en l’existence de la maladie.
Pour le moment, les identités des personnes infectées ne sont pas dévoilées. Mais, les personnes suspectées subissent d’une manière ou d’une autre des représailles sociales. Est-ce qu’il n’y a pas de raison de craindre une stigmatisation comme le cas d’autres maladies (Sida, tuberculose, lèpre, etc.) ?
Le coronavirus (Covid-19) est un mal comme les autres. Mais son caractère nouveau et mortel fait de lui une calamité à part, une nouveauté repoussante. De là, la stigmatisation sera au quotidien. Le caractère contagieux risque de bouleverser le système social, avec ses rejets, même après guérison. Pour le moment, les autorités n’ont pas formellement indiqué ni le corps d’un malade décédé du coronavirus ni d’une personne malade pour que leur entourage les stigmatise. Mais ce sont des rumeurs qui sont diffusées au sein de la population qui informent sur la cause du décès de telle ou telle personne.
Quant au Sida, à la tuberculose, à la lèpre et autres affections, les populations sont déjà habituées à ces maladies raison pour laquelle, au début les malades étaient stigmatisés mais avec les séances de sensibilisation, les populations ont compris que les personnes atteintes de ces maladies, une fois guéries ne constituent pas une menace pour leur entourage. Mais tel n’est pas le cas pour le coronavirus surtout que les signes de la maladie, selon les propos des autorités sanitaires, sont semblables à ceux du rhume, du paludisme.
Que faire pour ne pas en arriver là ?
Il faut démystifier le mal. Les autorités du ministère de la santé peuvent laisser des personnes (malades ou guéries ou leurs parents) qui le désirent s’exprimer et faire des témoignages en gardant l’anonymat pour que les populations aient une idée de la pandémie du coronavirus. de même, il faut continuer à respecter les consignes officielles à savoir l’application des mesures barrières recommandées par le gouvernement à travers le port de masque, la distanciation sociale d’au moins un mètre, le lavage systématique des mains à l’eau et savon, l’utilisation du gel hydro alcoolique, la désinfection des lieux publics, afin de neutraliser les germes de la maladie. Il faut multiplier les messages à travers les médias afin de toucher toutes les couches sociales.
Votre mot de fin
Le coronavirus n’est pas une maladie honteuse mais c’est une maladie comme les autres. La différence entre elle et les autres, c’est son caractère mortel si le malade a des antécédents de santé liés à la drépanocytose, le diabète, l’hypertension artérielle. J’invite vivement les Béninoises et Béninois à mettre en pratique les consignes officielles à savoir le port systématique du masque en tout lieu et à tout moment, le lavage des mains avec de l’eau et du savon ou à défaut l’usage du gel hydro alcoolique, le respect de la distanciation sociale, l’interdiction de regroupement de plus de cinquante (50) personnes.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU ( Fraternité)