26 OCTOBRE 1972-26 OCTOBRE 2022. Déjà 50 ans. Le jeudi 26 octobre 1972, le Dahomey, alors appelé « enfant malade de l’Afrique », en raison de la forte instabilité politique qui caractérisait le jeune Etat, enregistrait son cinquième coup d’Etat réussi ; en fait celui qui viendra mettre un terme à la série ininterrompue de putschs qui agitait ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, depuis son indépendance acquise, le 1er août 1960.
« L’armée s’engage solennellement à donner au peuple dahoméen l’espoir d’une aube véritablement nouvelle. Vive l’armée ! Vive la révolution ! Vive le Dahomey ! »
Il était environ 15 heures, ce jeudi 26 octobre 1972, lorsqu’à la radio Dahomey, la voix du chef de bataillon, Mathieu Kérékou, résonna. Il venait d’être désigné par un trio de capitaines putschistes, Janvier Assogba, Michel Aïkpé et Michel Alladayè, pour lire la déclaration devant acter le coup de force qui venait d’être opéré. Quelque temps plus tôt, les militaires avaient fait irruption au palais de la Présidence, en plein conseil des ministres. Le Président Justin Tomètin Ahomadégbé et ses ministres sont mis aux arrêts. Les deux autres Présidents Hubert Maga et Sourou Migan Apithy (ce dernier était en vacances en Europe au moment du putsch) seront également arrêtés. C’était partie pour 9 ans d’enfermement pour les trois leaders politiques qui ont, jusque-là, animé la vie politique du Dahomey.
En réalité, dans leur plan initial, les putschistes avaient prévu de faire leur coup la veille, c’est-à-dire, le mercredi 25 octobre, au moment du Conseil des ministres ; mais un report de cette réunion gouvernementale hebdomadaire au jeudi les a obligés à réajuster leur calendrier. C’est ainsi que le cortège de chars et de blindés, avec à sa tête, le capitaine Janvier Assogba, s’ébranla du camp militaire de Ouidah – plus important camp militaire du pays à l’époque – ce jeudi 26 octobre. A Cotonou, à hauteur de l’Eglise Bon Pasteur de Cadjèhoun, non loin de la Présidence, le cortège se scinda en deux : un groupe poursuivit son chemin vers le palais tandis que l’autre prit la direction du siège de la radio nationale. Rapidement, les jeux sont faits et les principales cibles des militaires ont été mis aux arrêts.
Il faut dire que le Conseil présidentiel, ce système de présidence tournante, partagée à tour de rôle entre Hubert Maga, Justin Tomètin Ahomadégbé et Sourou Migan Apithy, n’avait pas résolu les problèmes politiques, économiques et sociaux qui agitaient le Dahomey. Au contraire, il les avait exacerbés, instituant au sommet de l’Etat, une cacophonie peu ordinaire et une guerre de leadership entre les ministres nommés par chaque membre du triumvirat. Toutes choses qui étaient mal vues, non seulement par le peuple, mais également par l’armée. Le Président Ahomadégbé qui, cinq mois plus tôt, succédait à Hubert Maga, à la tête du Conseil présidentiel, fut donc déposé avec une grande aisance, sans effusion de sang. Tout comme d’ailleurs les autres coups d’Etat du Dahomey, qui ont la particularité de se faire en toute simplicité, sans que le sang ne soit jamais versé.
Un coup d’Etat pas comme les autres
Pour la cinquième fois donc, la jeune République dahoméenne vient de connaître un renversement de Président. A ce moment précis, personne ou presque ne pouvait imaginer que le pays était en train d’ouvrir une nouvelle page de son histoire politique particulièrement mouvementée, même si la déclaration du 26 octobre marquait quand même une grande différence d’avec celles qui avaient suivi les précédents coups d’Etat, tant elle reprenait et traduisait le sentiment général dans l’opinion publique. L’incertitude hanta les esprits jusqu’au 30 novembre 1972 où le discours-programme lu par Mathieu Kérékou planta véritablement le décor, pour montrer que plus rien ne sera comme avant. « La caractéristique fondamentale et la source première de l’arriération de notre pays est la domination étrangère. L’histoire de cette domination est celle de l’oppression politique, de l’exploitation économique, de l’aliénation culturelle, de l’épanouissement de contradictions inter-régionales et inter-tribales », a martelé le nouveau chantre de la révolution.
Ce diagnostic des maux dont souffrait le jeune Etat dahoméen posé, Mathieu Kérékou enchaîna : « Mais c’est aussi l’histoire de la longue lutte du peuple militant de notre pays qui, le 26 octobre 1972, marque une rupture radicale avec le passé et amorce une politique nouvelle d’indépendance nationale dont la base et la finalité restent ses intérêts et sa personnalité ».
C’était parti pour 19 ans de révolution, avec une expérience marxiste-léniniste, du 30 novembre 1974 jusqu’au 7 décembre 1989. La faillite économique et la tension sociale obligèrent le régime du Président Kérékou à convoquer la conférence des forces vives de la nation de février 1990 qui permit au Bénin de réaliser, dans la paix, sa transition démocratique. Le destin du pays s’était donc joué ce jeudi 26 octobre 1972, il y a 50 ans, jour pour jour.
S.E.