C’est la suite d’un projet très ambitieux : 14 nouveaux volumes de l’Histoire générale du Sénégal viennent d’être publiés. Les cinq premiers avaient été présentés en 2019. Un travail scientifique porté par quelque 450 chercheurs, et soutenu par l’État. Objectifs : découvrir ou revisiter le passé en s’éloignant de l’histoire coloniale.
Les 14 nouveaux volumes de l’Histoire générale du Sénégal sont consacrés à des thématiques très éclectiques, souvent méconnues, de la préhistoire à la période contemporaine. Parmi eux : Les paysages mégalithiques du Sénégal et de la Gambie. « Ça parle des mégalithes, c’est-à-dire l’équivalent des dolmens de Bretagne au Sénégal, qui permettent de découvrir une civilisation ancienne, explique le professeur El Hadj Ibrahima Ndao. C’est pourquoi on considère que c’est un patrimoine mondial ».
Il participe au projet depuis le départ. Il a lui-même écrit deux nouveaux ouvrages sur l’électrification du Sénégal. « Deux tomes extrêmement denses, et surtout très riches en photographies d’époque, précise-t-il. On voit l’évolution de la ville de Dakar. Comment l’électricité a accompagné cette urbanisation ».
D’autres volumes sont consacrés à la confrérie des Tidianes – confrérie musulmane très présente en Afrique de l’Ouest – au mouridisme – autre confrérie musulmane, fondée par Cheikh Ahmadou Bamba – ou encore à la région du Fouladou en Casamance. Un travail qui vient combler un vide, ou permet une « réécriture de l’histoire » explique l’universitaire : « Il y a des événements dont pour lesquels nous, nous avons des sources extrêmement fiables, et qui ne donnent pas la même version que ce qu’on nous a appris dans les livres d’Histoire au niveau de la bibliothèque coloniale. » Les recherches se poursuivent : 25 volumes au total devraient être publiés d’ici 2024.
« Faire découvrir aux Sénégalais leur Histoire, c’est un impératif »
Ce projet de grande envergure a été initié en 2013 par feu le professeur Iba Der Thiam. Désormais, c’est le professeur Mamadou Fall qui coordonne le comité de pilotage de l’Histoire générale du Sénégal. Avec ces travaux, il espère mieux familiariser les Sénégalais avec leur Histoire, en particulier l’Histoire ancienne.
« Puisqu’on veut écrire notre Histoire à l’endroit, il faut bien partir des origines, affirme-t-il. La priorité reste évidemment la jeunesse du Sénégal, parce que c’est une jeunesse qui est plus ou moins en rupture avec son Histoire. Et je vous assure que la majorité des Sénégalais, vous les interrogez sur l’Histoire du Sénégal avant le XVème siècle, et c’est le trou noir ».
Il insiste : « Donc, vraiment, c’est un impératif que de faire découvrir aux Sénégalais leur Histoire, parce qu’il y a tellement de zones d’ombre, il y a tellement de ruptures, il y a tellement de fractures dans cette Histoire. Comment s’est forgé ce pays ? Quel est le fond anthropologique qui lui a donné forme ? Quelle est la trajectoire de ce pays ? Est-ce que vous savez que jusqu’au nom du Sénégal, ça fait encore polémique ? Sunu gaal, Sineghana, Sanghana… La communauté des historiens n’est pas d’accord sur l’étymologie même du nom Sénégal. Et moi, je pars de l’idée que beaucoup des problèmes que nous vivons de nos jours sont liés à une méconnaissance de notre Histoire. »
RFI