Sénégal : 10 ans de réclusion criminelle requis contre l’opposant Ousmane Sonko pour viols

Afrique

Au Sénégal, tous les regards étaient tournés jusqu’au milieu de la nuit vers le tribunal de Dakar où se déroulait le procès de l’opposant politique Ousmane Sonko, absent du banc des accusés, poursuivi pour viols par une ancienne employée de salon de massage. Celui qui est candidat à l’élection présidentielle de 2024 dénonce un complot du pouvoir pour l’écarter du jeu politique. Un peu après trois heures du matin, ce 24 mai, le procureur a requis contre lui 10 ans de prison pour viols ou 5 ans pour corruption de la jeunesse. Le délibéré est attendu le 1er juin.

Dans sa robe rouge, Adji Sarr est revenue sur le fonctionnement du salon Sweet Beauty, qualifié de « lieu de débauche » par la partie civile, expliquant les différents types de massages comme le body-body où le client et la masseuse sont nus, raconte notre correspondante à Dakar, Théa Ollivier. La jeune femme a ensuite décrit en détails les viols répétitifs qu’elle explique avoir subis entre décembre 2020 et début février 2021. « Il m’a prise de force […] je n’ai rien dit, car j’avais peur », témoigne-t-elle d’une voix calme et détachée.

Une version contredite par Ndeye Khady Ndiaye, la gérante du salon, qui est accusée de complicité de viol. « Adji Sarr ne m’a jamais dit qu’elle se faisait violer dans mon institut, j’aurais tout fait pour la protéger », assure la patronne qui s’est retrouvée sans ses avocats à la barre, tous partis à la mi-journée après le rejet de leur demande de report d’audience.

Maître El Hadj Diouf, avocat d’Adji Sarr, a accusé Ousmane Sonko de chercher à « fuir la justice » : « Notre pays, le Sénégal, vient aujourd’hui de tenir un procès capital pour son avenir, pour sa stabilité et c’est Sonko lui-même qui disait qu’il était pressé d’aller au jugement ! De quoi a-t-il peur ? Mais de la vérité ! Mais malgré tout, l’audience s’est déroulée. Je ne suis pas totalement satisfait par le réquisitoire du Parquet. À présent, de bien développer les arguments qui plaident en faveur d’une condamnation pour viol. Si le Parquet vient, essaye de couper la poire en deux en disant : si vous n’êtes pas convaincus par le viol, retenez la corruption de la jeunesse, non, cela ne me parait pas véritablement rigoureux. »

Complot politique ?

Après le passage des témoins entre vingt heures et minuit, les avocats d’Adji Sarr ont déroulé leurs plaidoiries. Au cœur des débats : le certificat médical et la virginité d’Adji Sarr, la présence de sperme dans ses organes génitaux ou le déroulé du jour où elle a porté plainte.

En face, les avocats d’Ousmane Sonko, qui dénoncent un complot politique, n’ont pas pu plaider sans la présence de leur client. Le principal accusé et chef de l’opposition sénégalaise est retranché dans son fief de Ziguinchor depuis deux semaines. Ses avocats avaient quitté la salle dès la mi-journée, rappelle Charlotte Idrac, notre correspondante à Dakar. Ils affirment que l’opposant n’avait pas reçu une convocation en bonne et due forme. Maître Ousseynou Ngom dénonce une « violation des droits de la défense » : « Il faut que ce soit clair, Ousmane Sonko n’a pas refusé de comparaitre, Ousmane Sonko a demandé à ce que ses droits soient respectés, notamment qu’il soit convoqué régulièrement, conformément à la loi, ce qui n’a pas été fait. Alors dans ces conditions, évidemment, nous avons demandé le renvoi pour la régularisation de sa situation, et le juge une fois de plus a refusé, et a retenu l’affaire. On dénonce, on s’indigne par rapport à cette parodie de justice. L’objectif recherché, c’est d’empêcher Ousmane Sonko de comparaitre et d’avoir une décision par contumace. »

D’après le code électoral, « un individu en état de contumace » ne peut être inscrit sur les listes électorales : c’est donc l’éligibilité d’Ousmane Sonko pour la présidentielle de 2024 qui est en jeu.

RFI